La ville de Ceuta a connu, hier jeudi matin, une nouvelle opération de transfert qui a concerné 24 migrants en situation irrégulière vers la péninsule ibérique. À première vue, il pourrait s’agir d’une procédure banale, semblable à celles que connaît régulièrement la ville. Mais un examen attentif de ses détails révèle des dimensions bien plus larges qu’un simple déplacement d’un groupe de jeunes d’une rive à l’autre.
Ces personnes expulsées, âgées de vingt à quarante ans, étaient pour la plupart originaires d’Algérie, du Soudan et de Guinée-Conakry. Leur histoire illustre une fois de plus la tragédie d’une génération en quête d’espérance au-delà des frontières. Parmi eux, le cas particulier d’un jeune Algérien retient l’attention : avocat au début de sa trentaine, titulaire d’un master en droit et en sciences politiques, il a préféré se présenter par l’initiale « A. » seulement. Ses diplômes et qualifications n’ont pas suffi à lui garantir un avenir digne dans son pays, et il a choisi l’aventure de la migration. Dans une déclaration à l’agence Europa Press, il a affirmé avoir quitté l’Algérie après que « toutes les possibilités d’un travail décent se sont refermées devant lui », ajoutant que la situation dans son pays « prive la jeunesse de toute chance de prospérité et d’une vie meilleure ».
Entre l’individuel et le collectif
L’histoire de ce jeune homme n’est pas une exception, mais un condensé d’une crise plus vaste vécue par la jeunesse de la région : horizons bloqués, absence de véritables politiques d’intégration, et érosion de la confiance en l’avenir. Comment comprendre qu’un jeune parlant trois langues vivantes, passionné de musique et de flamenco, ne trouve pas d’espace pour exprimer son potentiel, sinon en dehors de ses frontières ? N’est-ce pas une double perte, à la fois pour l’individu et pour la patrie ?
Pressions croissantes et approches limitées
De son côté, le centre d’hébergement temporaire de Ceuta vit sous une pression croissante. Des rapports de défense des droits de l’homme ont confirmé que sa capacité d’accueil a été largement dépassée, ce qui a poussé les autorités à transformer des salles de classe et des espaces publics en centres d’hébergement alternatifs. Cette situation ne pose pas seulement un problème humanitaire, mais interroge également la politique européenne en matière de gestion des migrations : doit-elle rester une approche purement technique, limitée aux expulsions et aux redistributions ? Ou bien faut-il adopter une vision globale qui prenne en considération les racines profondes du phénomène dans les pays d’origine ?
Au-delà de l’événement
La dernière opération de transfert ouvre la porte à des interrogations plus larges :
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Peut-on réellement traiter la migration par la seule approche sécuritaire ?
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Comment transformer les potentiels des migrants — parmi lesquels des diplômés et des personnes qualifiées — en valeur ajoutée, au lieu de les voir gaspillés aux frontières ?
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Qu’est-ce qui pousse des jeunes compétents, tel le jeune Algérien « A. », à chercher leur avenir de l’autre côté de la mer plutôt que de contribuer au développement de leur pays ?
Vers un nouvel horizon ?
La question dépasse le cadre hispano-marocain pour placer l’Europe, le Maroc et les pays africains face à une équation complexe : soit maintenir les politiques actuelles, avec toute leur fragilité, soit réfléchir à des solutions alternatives qui investissent dans l’être humain avant qu’il ne soit contraint de fuir sa patrie. Car, en fin de compte, la migration n’est pas seulement une affaire de chiffres et de passeports temporaires : elle est faite d’histoires humaines, où se condensent des ambitions gâchées et des rêves en quête d’un horizon qui ne se referme pas.