Par : Taha Riazi — Étudiant en droit et sciences politiques, Université de Bordeaux, France
Par un été marocain animé dans les ports et sur les routes, on peut observer sur les quais des villes des bagages abandonnés par des migrants et des visages portant la même histoire : un voyage à la recherche de sécurité, d’opportunité et d’une vie meilleure. À cet instant, le Maroc est confronté à une question cruciale : comment gérer l’afflux croissant de migrants provenant d’Afrique subsaharienne sans renoncer à sa souveraineté ni à ses valeurs humanitaires ?
Cette question ne se limite pas à un débat sur les réseaux sociaux ; elle est existentielle et touche à l’identité de l’État, à ses frontières et à sa capacité à maintenir son équilibre démographique et culturel.
Le défi entre la définition classique de l’État et le devoir moral
Selon la philosophie politique, l’État est l’entité qui détient le monopole de la violence légitime, protège ses frontières et préserve l’identité de son peuple, sans se soustraire à son devoir moral envers les plus vulnérables.
Voici le défi marocain : comment concilier la protection de la sécurité nationale et des intérêts des citoyens avec l’accueil des nécessiteux et le traitement digne des réfugiés ?
Le droit international, à travers la Convention de Genève de 1951 et le Protocole de 1967, reconnaît aux États le droit de réguler la migration, tout en imposant le devoir de protéger les demandeurs d’asile. Mais la réalité montre que l’équilibre entre ces principes exige une vision stratégique claire et une mise en œuvre efficace, faute de quoi les pressions sociales et économiques s’accroîtront rapidement.
Pression démographique et économique : des indicateurs aux défis
Le rapport du Haut-Commissariat au Plan 2024 révèle que le Maroc accueille des dizaines de milliers de migrants, principalement originaires des pays du Sahel. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), le nombre de résidents originaires d’Afrique subsaharienne a augmenté de 38 % au cours des cinq dernières années.
Tableau comparatif international (2024)
Pays | Pourcentage % | Observations principales |
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Maroc | 1,1 % | Transit et résidence temporaire ou permanente |
Espagne | 2,3 % | Système d’intégration relativement solide |
France | 3,8 % | Défis d’intégration dans les banlieues |
Afrique du Sud | 4,2 % | Tensions sociales et violences contre les étrangers |
Cet afflux exerce une pression sur les infrastructures et les services essentiels tels que le logement, la santé et l’éducation, notamment dans les villes de passage comme Tanger et Nador.
La question qui se pose : les villes marocaines disposent-elles d’un plan anticipatif pour gérer ces pressions avant qu’elles ne deviennent des crises sociales ?
Leçons des expériences internationales
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France : A adopté un discours humaniste ouvert dans les années 1980-1990, mais l’absence de politiques d’intégration efficaces a produit des générations marginalisées, coincées entre deux cultures et géographiquement isolées.
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Espagne : Des programmes d’intégration locaux, liant résidence, emploi et éducation, ont réduit les tensions sociales, nécessitant une volonté politique forte et un suivi constant.
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Afrique du Sud : Le manque de planification et de communication sur la migration a conduit à des tensions sanglantes, les populations locales se retrouvant en concurrence pour les ressources.
Le Maroc se trouve dans une situation délicate : ses capacités économiques sont moindres que celles de la France et de l’Espagne, et sa structure sociale est plus fragile face à des chocs démographiques soudains.
Vers une loi globale sur la migration et l’asile
Taha Riazi propose l’élaboration d’une loi-cadre sur la migration et l’asile conciliant :
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Protection de la sécurité nationale par la régulation de l’entrée et le contrôle des frontières.
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Respect de la dignité humaine des migrants et réfugiés dans un cadre légal clair.
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Intégration sélective des personnes éligibles selon les besoins du marché du travail.
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Retour des personnes non éligibles dans le cadre d’accords de coopération avec les pays d’origine.
Graphique proposé : Évolution du nombre de migrants réguliers et irréguliers au Maroc (2015–2024) avec répartition géographique.
Question de réflexion : le Maroc peut-il créer un modèle unique en Afrique conciliant dignité humaine et intérêt national ?
L’équation existentielle
Comme l’a dit Jean-Jacques Rousseau : « Le peuple qui renonce à une partie de sa souveraineté renonce à lui-même. »
Aujourd’hui, le Maroc est appelé à démontrer sa capacité à protéger son territoire sans renoncer à son humanité, tirant parti de son histoire de pont entre l’Afrique et l’Europe et de son héritage dans l’art de concilier devoir moral et droit souverain.
La question ultime : le Royaume franchira-t-il aujourd’hui des étapes audacieuses pour devenir un modèle d’équilibre entre humanité et souveraineté, ou cédera-t-il sous la pression des défis démographiques ?