Introduction : Une étape historique sans précédent
Dans une démarche historique, l’État marocain, sous l’impulsion directe de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, a pris une décision visant à assainir le paysage politique du pays en éradiquant la corruption endémique. Selon cette décision, toute personne souhaitant se présenter aux élections doit obtenir un certificat d’approbation de trois institutions clés : le Ministère de l’Intérieur, la Direction générale de la Sûreté nationale et le Parquet général.
Ce certificat est délivré uniquement à ceux qui n’ont pas de condamnations ou de poursuites en matière de corruption, d’abus de pouvoir ou de détournement de fonds publics, une mesure qualifiée par les observateurs de « coup fatal à la corruption politique » au Maroc.
L’objectif est clair : restaurer la confiance entre les citoyens et les institutions, et instaurer un climat politique transparent fondé sur la compétence et le programme électoral, plutôt que sur l’argent sale ou les loyautés étroites.
Les Marocains du monde : droits garantis par la Constitution, réalité limitée
L’article 17 de la Constitution de 2011 stipule que les Marocains résidant à l’étranger jouissent de l’intégralité de leurs droits civiques, y compris le droit de vote et de candidature aux élections locales, régionales et nationales. Cependant, la mise en œuvre pratique de ces principes reste éloignée de la réalité.
Malgré les récentes initiatives gouvernementales, la participation politique des Marocains du monde demeure limitée, car ils sont contraints de s’intégrer dans les listes électorales des partis politiques déterminées par l’État, au lieu de jouir de la liberté de choisir leurs représentants.
Initiatives gouvernementales : une étape partielle vers la facilitation
Dans le cadre des préparatifs pour les élections législatives de 2026, le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, a annoncé plusieurs mesures pour faciliter la participation des Marocains résidant à l’étranger :
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Encourager les partis politiques à inclure des candidats issus de la diaspora marocaine dans leurs listes électorales.
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Offrir des incitations financières aux partis soutenant cette participation.
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Permettre le vote depuis l’étranger via des bureaux de vote au Maroc ou des agences spécialisées dans les pays de résidence.
Malgré ces initiatives, la représentation reste limitée et indirecte, car les expatriés ne bénéficient pas de la liberté de choisir les partis ou les candidats qui les représentent.
Défis pratiques à une participation réelle
La participation des Marocains du monde rencontre plusieurs obstacles :
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Large répartition géographique : la présence des Marocains dans plus de 100 pays rend l’organisation des élections complexe et nécessite une coordination rigoureuse.
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Représentation diplomatique limitée : certains pays où résident les Marocains manquent de représentation diplomatique complète, entravant le processus de vote.
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Logistique électorale : défis liés à la division des circonscriptions électorales, aux méthodes de vote et à l’assurance de la validité des résultats à l’étranger.
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Absence d’engagement de la société civile à l’étranger : malgré la densité des communautés en France, Belgique, Pays-Bas et Espagne, les associations actives ne sont pas sollicitées pour participer à l’organisation des élections, réduisant ainsi la représentation et concentrant la décision sur les partis officiellement soutenus.
Solutions numériques : ouvrir des horizons pour une participation libre
Le journaliste et écrivain Jamal Soussi, président de la L’Alliance mondiale des Marocains résidant à l’étranger, propose une solution innovante : le vote via une application électronique.
Cette application permet à chaque Marocain à l’étranger, que ce soit en France, Belgique, Pays-Bas ou Espagne, de voter ou de se porter candidat, à condition de disposer d’un smartphone. Une idée simple mais révolutionnaire, qui offre à la diaspora la liberté de choisir directement ses représentants, loin des contraintes traditionnelles des partis, tout en bénéficiant des capacités techniques avancées des pays hôtes.
Problématique du contrôle et de la protection politique
La question majeure est la suivante : pourquoi le Ministère de l’Intérieur ne permet-il pas à la diaspora de choisir librement ses représentants ?
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Contrôle et domination : le gouvernement estime que permettre à la diaspora de voter librement pourrait entraîner l’émergence de figures politiques incontrôlées, perturbant ainsi l’équilibre des forces électorales.
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Plans traditionnels : cette politique est suivie depuis des décennies avec les Marocains d’Europe, où les candidatures sont imposées au sein des partis, et le soutien financier aux partis est lié à la nomination de représentants de la diaspora, maintenant ainsi le « système de sélection » traditionnel.
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Peur de la dispersion : la répartition des Marocains dans plus de 100 pays justifie, selon les autorités, l’imposition d’un système centralisé uniforme pour garantir le contrôle des résultats.
Lecture analytique
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Aspect des droits : priver les Marocains à l’étranger de la liberté de choisir leurs représentants constitue une violation du principe de citoyenneté pleine et entière inscrit dans la Constitution.
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Aspect pratique : la diaspora marocaine en Europe et dans les pays développés possède une expérience organisationnelle et technique qui pourrait être exploitée pour garantir un processus électoral transparent et efficace via des applications numériques.
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Aspect politique : le maintien du contrôle sur les candidatures et les partis reflète l’inquiétude de l’État de perdre le contrôle de la représentation politique de la diaspora, mais engendre une frustration généralisée chez les expatriés.
Questions majeures
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L’État répondra-t-il aux demandes des Marocains du monde en leur accordant la liberté de choisir leurs représentants ?
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Le vote via des applications numériques peut-il être une alternative efficace à la participation traditionnelle ?
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Comment concilier la surveillance gouvernementale avec la liberté de choix démocratique ?
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Les partis réussiront-ils à s’adapter à ces changements, ou la politique de nomination imposée persistera-t-elle ?
Conclusion
L’initiative d’assainir le paysage politique marocain de la corruption représente un début historique, mais elle reste insuffisante si elle n’est pas accompagnée par l’ouverture d’un espace réel permettant aux Marocains du monde de prendre leurs décisions politiques eux-mêmes. Le succès de la réforme électorale dépend aujourd’hui non seulement de la lutte contre la corruption, mais aussi de la restauration de la confiance de la diaspora marocaine, en lui accordant le droit d’exprimer sa volonté en toute liberté, à travers des outils modernes et efficaces.
Graphique : Distribution des Marocains résidant à l’étranger par continent et pays principal
Pays / Région | Nombre approximatif |
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France | 1,250,000 |
Espagne | 880,000 |
Belgique | 700,000 |
Pays-Bas | 419,000 |
Italie | 487,000 |
Allemagne | 300,000 |
USA | 350,000 |
Canada | 120,000 |
Pays du Golfe | 200,000 |
Autres pays d’Asie | 100,000 |
Amérique du Sud | 50,000 |
Afrique (hors Maroc) | 200,000 |
Total estimé : environ 4,056,000 Marocains résidant à l’étranger
Selon le Conseil économique, social et environnemental (rapport 2024), 89% des migrants marocains résident en Europe (4,5 millions), et le reste se répartit sur plus de 100 pays dans le monde.