« Maroc 2030 » : projet sportif ou super-institution ?
Lecture analytique sur les enjeux cachés derrière la création de la nouvelle entité dirigée par Fouzi Lekjaa
Alors que le Maroc se prépare à accueillir la Coupe du Monde 2030 aux côtés de l’Espagne et du Portugal, le gouvernement a adopté un projet de loi instituant la Fondation « Maroc 2030 », présentée comme l’organe stratégique chargé de superviser les chantiers liés à cet événement mondial.
Derrière cet acte institutionnel ambitieux se posent plusieurs questions essentielles :
Qui détient réellement les rênes de ce projet national ? Quel rôle pour les collectivités territoriales et les institutions élues ? Et assiste-t-on à l’émergence d’un nouvel organe supra-gouvernemental échappant aux mécanismes classiques de contrôle démocratique ?
Fouzi Lekjaa : d’un portefeuille ministériel à l’ingénierie du Maroc sportif
La désignation de Fouzi Lekjaa à la tête de la Fondation « Maroc 2030 » ne surprend guère. Ministre délégué au budget, président de la Fédération royale marocaine de football, et nommé personnellement par le Roi à la tête du Comité d’organisation du Mondial 2030, Lekjaa concentre les responsabilités techniques, sportives et budgétaires.
S’agit-il d’un gage de cohérence et d’efficacité ? Ou d’un risque de concentration excessive des pouvoirs, au détriment du débat public et de la transparence institutionnelle ?
Le ministère de l’Intérieur au centre du dispositif : rôle clé pour Abdelouafi Laftit
La loi prévoit également un rôle central pour le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, en tant que président de la Commission de gestion territoriale. Les projets liés au Mondial dépasseront les seules villes hôtes pour concerner l’ensemble des régions, plaçant ainsi les services du ministère au cœur de la coordination territoriale.
Cette configuration soulève un enjeu fondamental : quelle articulation entre l’autorité centrale et les conseils élus ? Et les régions auront-elles réellement leur mot à dire dans l’orientation de ces investissements structurants ?
Au-delà des stades : le risque d’un développement réduit au prisme du Mondial
La Fondation ne se limitera pas à la Coupe du Monde, mais couvrira l’ensemble des grandes manifestations sportives prévues dans les cinq prochaines années. Elle pilotera ainsi une partie importante de l’investissement public dans les infrastructures, avec des implications majeures pour les équilibres régionaux.
Une question essentielle s’impose alors : l’agenda du développement territorial sera-t-il dicté par les impératifs du calendrier sportif ? Et quels garde-fous existent pour éviter une marginalisation des territoires non concernés directement par l’événement ?
Vers un modèle marocain de gouvernance sportive ou une reproduction centralisatrice ?
Le discours officiel insiste sur une gouvernance participative, intégrant secteur public, privé, société civile, diaspora et expertise africaine. Mais au regard de l’importance budgétaire et institutionnelle de la Fondation, ce discours sera-t-il suivi d’effets concrets ? Ou bien la Fondation « Maroc 2030 » deviendra-t-elle un exécutif parallèle fonctionnant en dehors des radars parlementaires et citoyens ?
Conclusion : entre légitimité symbolique et efficacité institutionnelle
L’organisation de la Coupe du Monde 2030 est une opportunité exceptionnelle pour le Maroc. Mais la réussite de cet événement dépendra autant de la construction d’infrastructures que de la qualité de la gouvernance, de la transparence et du respect des équilibres institutionnels.
La Fondation « Maroc 2030 » incarnera-t-elle un levier efficace d’exécution ? Ou bien le symptôme d’un glissement vers une bureaucratie sportive hypertrophiée ?