Migration au Maroc : entre failles structurelles et fractures sociétales
Le récent retour des affrontements dans des zones comme Casablanca et la région d’Aït Baha, impliquant des migrants subsahariens, relance un débat crucial : le Maroc est-il en train d’exposer les limites de sa gestion de l’immigration et de l’asile ? Ces tensions, relayées par des discours racistes sur les réseaux sociaux prônant le refoulement des « Africains noirs », pointent vers des dysfonctionnements profonds dans les politiques publiques.
Politiques publiques en panne et poches de fragilité morale
Alors que Rabat met en avant depuis 2014 une « politique migratoire mesurée et humaniste », les témoignages du terrain et des ONG, comme celle d’Abdelilah Khoudary (Président du Centre marocain des droits de l’homme), soulignent la réalité : absence de mécanismes d’insertion, déplacements forcés vers des villes moins sensibles, explosion de situations précaires.
« La politique migratoire de 2014 n’a pas prévu d’actions d’insertion », concède-t-il à Hespress.
Conséquence : certaines villes se sont transformées en véritables foyers migratoires, sans équipements suffisants pour absorber ces populations, ni accompagnement social adéquat.
Discours xénophobes et mémoire courte
Selon le sociologue Khalid Mouna, cette situation a facilement nourri un discours ultranationaliste (« le Maroc aux Marocains »), reflétant un racisme inversé, persistant malgré les ressorts migratoires identiques du Maroc vers l’Europe.
« La mémoire collective du Maroc reste sélective : on oublie le migrant marocain mais on tolère moins bien le migrant africain », souligne-t-il.
Un tel climat met en péril la réputation internationale du Maroc comme terre de coexistence et de coopération Sud-Sud.
Diagnostiquer pour mieux réajuster
Les acteurs migratoires, comme Khoudary, appellent à la mise en place d’un véritable diagnostic scientifique :
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Cartographie des flux migratoires selon nationalités ;
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Étude des causes profondes ;
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Coopération entre Rabat, l’Europe et les pays d’origine.
Un tel travail permettrait à terme de fonder une stratégie migratoire réaliste et durable, taillée sur mesure pour les contextes locaux.
De la précarité à l’intégration : quel rôle pour l’État et le civisme ?
Le Maroc pourrait s’inspirer de l’initiative récente de la Fondation Mohammed V, déjà mobilisée en faveur des populations vulnérables. L’enjeu serait d’inclure également les étrangers dans ces dispositifs, non seulement pour leur offrir un refuge, mais pour investir dans leur insertion professionnelle, offrant ainsi une réponse contre la marginalisation.
Conclusion : le test migratoire comme baromètre de cohésion
Plutôt que de rester un simple enjeu sécuritaire, ce qui se joue désormais au Maroc est un test de cohésion nationale et de traduction politique.
Si les pratiques ne suivent pas les principes proclamés, alors le Maroc risque d’échouer dans son positionnement migratoire.
Il est urgent de passer du constat à l’action : construire un cadre solide pour l’intégration, protéger les droits humains, combattre les discours haineux — pour ne pas transformer le Maroc en terre de xénophobie passagère plutôt qu’en modèle d’accueil moderne.