mardi, juillet 8, 2025
AccueilActualitésLe Maroc et la Coupe du monde 2030 : contradictions gouvernementales et...

Le Maroc et la Coupe du monde 2030 : contradictions gouvernementales et défis stratégiques

Entre déclarations contradictoires et gouvernement fracturé

Alors que l’attention se concentre sur la candidature commune du Maroc, de l’Espagne et du Portugal à l’organisation de la Coupe du monde 2030, un constat s’impose : la dissonance règne au sein de l’équipe gouvernementale marocaine, incapable de fournir une vision claire et coordonnée sur les bénéfices économiques réels que représenterait un tel événement.

La déclaration de Younes Sekkouri — ministre de l’Insertion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences — a suscité une véritable onde de choc. Lors d’une réunion de la commission des secteurs sociaux à la Chambre des représentants, il a affirmé que l’organisation de la Coupe du monde ne génèrera pas de bénéfices directs pour le Maroc. Ses propos contrastent lourdement avec le discours officiel, largement optimiste, qui mise sur des retombées financières majeures.

Cette prise de parole se heurte frontalement aux affirmations répétées de son collègue, le ministre délégué au Budget Fouzi Lekjaa. À plusieurs reprises, ce dernier a présenté la Coupe du monde comme une “opportunité en or” pour générer des revenus financiers importants, mentionnant notamment l’accueil potentiel de 15 millions de touristes et s’appuyant, entre autres, sur les 15 milliards de dollars de profits enregistrés par la FIFA lors du Mondial 2022 au Qatar.

Contradictions dans la vision gouvernementale : un message flou pour les citoyens et l’économie

Alors que Lekjaa mise sur des retombées spectaculaires dans les secteurs du BTP, du tourisme, des banques et des télécommunications, Sekkouri choisit, lui, de souligner que l’objectif prioritaire de la Coupe du monde est de créer des emplois et de développer les compétences, précisant que ces événements ne génèrent généralement aucun profit direct pour le pays hôte. Un tel discours divergeant affiche un manque de coordination flagrant au sein du gouvernement et soulève des questions légitimes sur l’origine du message stratégique du pays.

Le réel contre les projections : que disent les études économiques ?

Un rapport de l’Institut marocain d’analyse économique confirme que la Coupe du monde pourrait être bénéfique, notamment pour la modernisation des infrastructures, l’attractivité des investissements étrangers, et le dynamisme attendu dans les secteurs du BTP, du tourisme et des télécoms. Le rapport souligne aussi l’opportunité de renforcer la “soft power” du Maroc sur la scène diplomatique.

Pourtant, à l’international, les études sont plus prudentes : l’organisation d’un Mondial ne garantit aucun bénéfice économique, et peut même se solder par des pertes financières colossales, si la planification est déficiente et la reconversion des infrastructures non maîtrisée après l’événement.

Expériences internationales : leçons pour le Maroc

  1. Afrique du Sud (2010)
    Investissement estimé à 3,6 milliards USD. Plus de 400 000 touristes en 30 jours. Retombées directes évaluées à seulement 2 milliards USD. Poids lourd de l’entretien des stades, devenus coûteux après la compétition.

  2. Brésil (2014)
    15 milliards USD investis. 1,1 million de visiteurs étrangers. Tourisme en hausse de 4 milliards USD. Mais le vide entre le budget du football et les besoins publics a déclenché de fortes contestations.

  3. Russie (2018)
    Dépenses de 11 milliards USD. 3,4 millions de spectateurs. Effets économiques limités, avec un coup de pouce temporaire pour le tourisme et les services.

Enseignements pour le Maroc

  • Planification à long terme : le Maroc devrait investir entre 4 et 6 milliards USD dans ses infrastructures (stades, transport…), mais devra prévoir une utilisation post-événement durable.

  • Inclusion territoriale : avec près de 35 % de la population vivant en zone rurale, il est impératif que les retombées bénéficient également aux régions les moins développées.

  • Transparence et contrôle : selon des sources internationales, jusqu’à 30 % des budgets publics dans les pays en développement sont exposés à la corruption ou au gaspillage. Une gouvernance rigoureuse est donc indispensable.

  • Focus sur la vraie valeur ajoutée : l’Institut marocain prévoit une augmentation du nombre de touristes entre 13 millions (pre-Covid) et 15 millions pour l’événement. Le tourisme représente actuellement ~7,5 % du PIB ; cela souligne l’enjeu de renforcer ce secteur à forte valeur ajoutée.

Des stratégies fragmentées qui minaudent la confiance

Les divergences entre ministères — sur le profit ou l’emploi prioritaire — reflètent une absence de coordination globale. Un tel manque de cohérence ne nuit pas seulement à la crédibilité du gouvernement, mais installe également un climat de défiance, tant chez les investisseurs que chez les citoyens, fragilisant ainsi un projet stratégique pour l’avenir du pays.

Conclusion : recommandations

L’organisation de la Coupe du monde 2030 représente une opportunité historique, mais il faudra impérativement :

  1. Aligner les discours officiels pour préserver la crédibilité nationale et internationale.

  2. Investir dans des infrastructures durables, utiles après la compétition.

  3. Mettre en place un contrôle rigoureux des budgets alloués au projet.

  4. Veiller à une répartition équitable des retombées entre le rural et l’urbain, pour un impact réellement national.

Articles connexes

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

- Advertisment -spot_imgspot_imgspot_imgspot_img

Les plus lus

Recent Comments