jeudi, juin 26, 2025
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La société civile marocaine face au projet de réforme du Code de procédure pénale : entre confrontation juridique et pression internationale

Au cœur d’un débat renouvelé sur le rôle de la société civile au Maroc, l’intensité de l’affrontement juridique et politique s’est accrue entre plusieurs associations de défense des droits humains et le gouvernement, à la suite des amendements proposés au Code de procédure pénale, touchant deux articles clés (3 et 7) qui régissent les conditions de poursuite dans les affaires de crimes financiers.

Ces amendements, qualifiés par l’Initiative civile contre la modification des articles susmentionnés de « dérive législative », représentent un tournant décisif dans la relation entre l’État et la société civile : entre une logique de pouvoir qui cherche à contrôler l’espace judiciaire et une société civile qui revendique plus de protection et de capacités d’action dans son rôle de surveillance.

❖ Les mutations législatives : que prévoient les articles 3 et 7 ?

L’article 3 du Code de procédure pénale, selon les observations des associations, limite la capacité des associations à engager l’action publique, ce que les critiques considèrent comme un recul d’un droit constitutionnel garanti par la loi marocaine.
Quant à l’article 7, il interdit aux associations de se constituer partie civile dans les affaires de corruption et de crimes financiers, ce qui risque de geler leur rôle historique dans le suivi de ces dossiers et la protection des fonds publics.

Selon l’Initiative civile, ces deux amendements sont incompatibles avec les engagements internationaux du Maroc, notamment les conventions internationales de lutte contre la corruption qui insistent sur le rôle essentiel de la société civile dans ce domaine.

❖ Les répercussions juridiques et politiques : quel impact sur la scène des droits ?

Ce changement législatif place la société civile face à une confrontation inédite avec l’État, alors que les associations expriment leur inquiétude face à une « reconfiguration de la relation » entre le système judiciaire et la société, au détriment du contrôle citoyen et des garanties d’intégrité.

Ne se contentant pas d’une protestation nationale, l’Initiative civile a annoncé son intention de recourir aux mécanismes internationaux, en sollicitant l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), chargé de superviser la mise en œuvre des conventions internationales ratifiées par le Maroc.

Cette orientation représente une escalade politique qui soulève la question de la capacité du système juridique marocain à intégrer les revendications de la société civile et à respecter ses engagements internationaux.

❖ Pression internationale et image du Maroc

Cette crise intervient dans un contexte mondial où la gouvernance et la transparence deviennent des critères essentiels dans les rapports de la Banque mondiale, du FMI ou de Transparency International.

Les experts estiment que réduire le rôle de la société civile affectera négativement les classements du Maroc et sapera la confiance des investisseurs étrangers, notamment dans les secteurs où des garanties strictes contre la corruption sont requises.

Dans ce cadre, une question centrale se pose : le gouvernement peut-il trouver un équilibre entre le besoin de réforme procédurale et la nécessité de préserver la confiance du public et des investisseurs dans l’indépendance judiciaire ?

❖ Société civile et mobilisation populaire

En réaction aux amendements, les associations ont appelé à une manifestation devant le Parlement le 1er juillet, adressant un message fort aux autorités et aux membres de la Chambre des conseillers.

Cette initiative représente un test de la capacité de la société civile à se mobiliser et à affirmer sa position en tant qu’acteur politique et social, particulièrement face à ce qui est perçu comme une tentative de restreindre son influence.

Les « voix sages » au sein du Parlement seront-elles en mesure de modifier ou d’arrêter le projet ? Ou bien l’équilibre des forces penchera-t-il en faveur d’une adoption complète des amendements ?

❖ Contexte international : les engagements du Maroc

Le Maroc est signataire de plusieurs conventions internationales, notamment la Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC), qui stipule la nécessité d’impliquer activement la société civile dans la lutte contre la corruption.

Le recours annoncé à l’ONUDC s’inscrit dans ce cadre, comme un levier de pression internationale pour amener le Maroc à revoir des amendements jugés contraires à ses engagements.

❖ L’ONU comme arbitre : du national à l’international

Dans une déclaration inédite, Abdelilah Benabdessalam, coordinateur de la Coalition marocaine des instances des droits humains, a affirmé que les associations adresseront une lettre au bureau régional de l’ONUDC pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, étant donné son rôle de supervision de l’application de la CNUCC.

Ce choix soulève une question cruciale :

Sommes-nous face à une escalade qui embarrassera l’État marocain sur la scène internationale, et mettra en doute ses engagements contractuels ?

La menace de porter l’affaire à un niveau international n’est pas qu’une simple carte de pression, mais une stratégie calculée visant à rétablir un nouvel équilibre des pouvoirs, après ce qui est décrit comme une « dérive législative grave ».

❖ Conséquences sur l’image du Maroc et ses investissements

L’un des avertissements les plus marquants de Transparency Maroc est que l’adoption de ces amendements affaiblira la crédibilité du pays en tant que destination d’investissement, et provoquera une baisse de confiance des investisseurs étrangers.

Dans un environnement international où gouvernance et transparence conditionnent les décisions des grandes institutions financières, toute restriction à la société civile se traduit automatiquement en signaux négatifs susceptibles de faire perdre au Maroc des points précieux dans les classements mondiaux.

❖ À l’horizon : une rue en colère et une Chambre sous pression

Les associations maintiennent leur appel à manifester devant le Parlement, tandis que certains membres misent encore sur les « voix sages » de la Chambre des conseillers pour infléchir le projet.

Mais l’enjeu dépasse la seule dimension juridique. Il s’agit d’un test clair de la volonté de l’État marocain à consacrer un véritable partenariat avec la société civile, plutôt que de la réduire au silence.

❖ Ce qu’il faut en retenir

✔ Ce que l’on peut créditer aux associations : vigilance, engagement pour l’intérêt général, et recours au droit international.
✖ Ce que l’on peut leur reprocher : manque d’ancrage politique, et risque de politisation à l’excès sur la scène internationale.
✔ Ce que l’on peut reconnaître au gouvernement : volonté de rationaliser la procédure pénale.
✖ Ce que l’on peut critiquer : absence de dialogue, marginalisation des experts de la société civile, et choix d’un moment politiquement tendu.

❖ Conclusion : entre consolidation de l’État de droit et retour en arrière

Ce débat n’est pas un simple désaccord technique, mais le reflet d’un affrontement structurel entre une vision étatique centralisatrice, et une société civile qui revendique son rôle historique dans la consolidation de l’État de droit.

La question reste posée : cette bataille débouchera-t-elle sur une réforme profonde de la justice pénale, ou marquera-t-elle le début d’une nouvelle vague de contentieux internationaux sur les droits au Maroc ?

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