Dans une scène politique remarquable, le Conseil des ministres présidé par le roi Mohammed VI à Rabat a pris une décision que certains observateurs considèrent comme un coup direct porté au chef du gouvernement et ancien ministre de l’Agriculture, Aziz Akhannouch, lorsque fut émise une directive royale claire stipulant que la mission de supervision et de distribution des aides aux agriculteurs soit confiée à des comités sous la supervision du ministère de l’Intérieur, et non plus du ministère de l’Agriculture comme c’était l’usage.
Bien que la formulation du communiqué officiel soit technique, les arrière-plans de la décision et son timing conduisent à une lecture politique plus profonde, notamment à la lumière du scandale du « soutien au cheptel » qui a ébranlé l’opinion publique l’année dernière, après que 18 intermédiaires ont bénéficié de plus de 1,3 milliard de dirhams dans une opération douteuse, qualifiée d’immorale même au sein du gouvernement.
Akhannouch a-t-il perdu l’une de ses clés stratégiques ?
Lorsque le ministère de l’Agriculture – que dirigeait Akhannouch pendant des décennies et où il supervisait ses fameux « plans verts » – se voit retirer un dossier aussi sensible que le soutien aux agriculteurs, et que la tâche est transférée au ministère de l’Intérieur, plusieurs questions se posent :
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Le roi a-t-il perdu confiance en la capacité du ministère de l’Agriculture à gérer les aides sans favoritisme ni soupçons de corruption ?
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Assistons-nous au début de la fin de l’emprise du système Akwa sur les rouages de l’État ?
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Quels messages sont envoyés à l’intérieur et à l’extérieur sur les limites de l’entrelacement entre pouvoir politique et intérêts économiques ?
Le ministre de l’Intérieur… un nouvel acteur dans un dossier social sensible
Confier la supervision des aides aux agriculteurs au ministère de l’Intérieur, dirigé par Abdelouafi Laftit – connu pour sa rigueur administrative et son éloignement des cercles économiques d’Akhannouch – signifie l’introduction d’un nouvel équilibre dans la gestion des dossiers sociaux de souveraineté. C’est un changement dans la logique de gouvernance qui pourrait annoncer de plus larges révisions dans la gestion des dossiers sensibles, notamment ceux touchant à la sécurité alimentaire et à la justice territoriale.
Le scandale des “fraqchia”… la goutte de trop pour l’« akhannouchisme » ?
Le scandale du soutien aux ovins, déclenché par Nizar Baraka, ministre de l’Équipement et de l’Eau, n’est pas passé inaperçu. Que les échos de la corruption atteignent le palais signifie que des lignes rouges ont été franchies. Il est significatif que le ministère de l’Agriculture soit discrètement dépossédé de ses attributions, en présence implicite mais forte de l’institution royale, indiquant que la politique au Maroc se joue parfois par des signaux non déclarés, mais clairs pour ceux qui savent lire entre les lignes.
La grande question : le compte à rebours politique d’Akhannouch a-t-il commencé ?
Depuis sa nomination à la tête du gouvernement, Aziz Akhannouch semble évoluer dans un espace protégé, plaçant ses proches – hommes d’affaires, directeurs d’entreprises, voire secrétaires – à des postes ministériels et institutionnels clés. Mais ce modèle est-il encore acceptable dans le Maroc de 2025, alors que la crise économique et sociale s’aggrave et que les appels à la reddition de comptes et à la justice économique se multiplient ?
Le signal du Palais – même s’il n’est pas exprimé explicitement – indique clairement que la confusion entre responsabilité politique et profit personnel ne sera plus tolérée.