Au terme d’une audience-marathon de plus de 12 heures, la Cour d’appel de Rabat a décidé, tôt dans la matinée du jeudi, de réduire la peine de l’avocat et ex-bâtonnier Mohamed Ziane à 3 ans de prison ferme, dans une affaire liée à des accusations de détournement et de dilapidation de fonds publics.
Mais cette réduction de peine marque-t-elle un tournant dans une affaire aux fortes connotations politiques, ou n’est-elle qu’un ajustement technique dans un dossier aux dimensions multiples ?
Ziane entre le droit et la politique
Âgé de 83 ans, Mohamed Ziane est actuellement détenu à la prison d’El Arjat, près de Rabat, où il purge déjà une peine de 3 ans dans une autre affaire. Celle-ci est qualifiée par plusieurs organisations de défense des droits humains comme à caractère politique, plutôt que purement judiciaire.
La nouvelle condamnation fait suite à un second procès, lié à la gestion de fonds publics, mais ses avocats affirment que l’ensemble des poursuites sont motivées par ses prises de position politiques et ses activités en tant qu’avocat et opposant.
La vraie question est donc :Juge-t-on des faits concrets ou des idées politiques ?
Audience tendue, plaidoyers contrastés
L’audience, débutée mercredi à midi, a vu une forte mobilisation d’avocats venus de différentes régions du Royaume, ainsi que de militants des droits humains et de citoyens. Le représentant du ministère public a demandé un durcissement de la peine initiale de cinq ans, estimant qu’elle restait justifiée.
Cependant, cette requête tient-elle compte de la situation sanitaire critique de Mohamed Ziane ?
Est-il cohérent, sur le plan des droits fondamentaux, de maintenir une telle sévérité à l’encontre d’un homme âgé, souffrant de maladies chroniques telles que la spondylarthrite ankylosante et des troubles cardiaques ?
Calendrier de détention : vers une libération en novembre ?
En comptabilisant les peines déjà purgées et en cas de cumul des condamnations (procédure juridiquement possible), Ziane pourrait recouvrer la liberté en novembre 2025, à moins qu’un acte de grâce royale ne vienne anticiper cette échéance.
Mais si grâce il y a, sera-t-elle interprétée comme un geste d’apaisement politique, ou comme un simple calcul juridique dans un climat social en tension ?
Ziane : une figure devenue symbole
Quel que soit le jugement porté sur les accusations, Mohamed Ziane est devenu le symbole d’un bras de fer entre pouvoir et opposition au Maroc. Ancien ministre, défenseur de figures controversées et voix critique du pouvoir, il incarne aujourd’hui un clivage sur l’état des libertés publiques et de la justice dans le pays.
Peut-on dès lors séparer sa condamnation du contexte plus large de régression des libertés et de judiciarisation du politique, constaté par de nombreux rapports nationaux et internationaux ?
Conclusion :
La réduction de peine de Mohamed Ziane n’est pas un simple ajustement judiciaire. Elle reflète un équilibre fragile entre impératifs institutionnels et pressions des défenseurs des droits humains.
Mais une interrogation persiste :Sommes-nous à l’aube d’une détente politique ? Ou au milieu d’un long hiver judiciaire ?