Dans un pays où la pluie est censée être une bénédiction célébrée par tous, certains ne la voient que comme une malédiction saisonnière, brandie comme un prétexte à tous les échecs. Pourquoi la pluie devient-elle, au Maroc, une source de peur plus qu’un signe d’espoir ? Sommes-nous face à une crise climatique ou à une crise de gouvernance et de mentalité dans la gestion agricole et économique ?
La pluie… un prétexte pratique pour masquer l’échec ?
Dans la mémoire collective marocaine, combien de fois un père de famille a-t-il justifié ses faibles ventes par « l’absence de clients à cause de la pluie » ? Combien de commerçants ont suspendu leurs activités à la première averse ? Combien de responsables ont attribué la flambée des prix ou l’affaiblissement du pouvoir d’achat au manque de pluie ou à son excès ? La pluie est-elle vraiment la cause ? Ou s’agit-il d’une incapacité structurelle à construire un système capable de s’adapter à un climat instable ?
Malgré les milliards investis dans l’irrigation, le stockage ou l’assurance agricole, le Maroc n’a toujours pas su transformer ces pluies tardives en opportunité. Pourquoi ? Est-ce à cause d’une vision agricole encore centrée sur la logique de la « saison », au lieu d’un plan stratégique de long terme ? Où en est l’efficacité des grands plans comme le « Plan Maroc Vert » ou la « Génération Verte » face aux risques climatiques ?
Mai… ce mois redouté des agriculteurs
À Zaghoura, dans la Chaouia ou la région du Loukkos, personne ne se réjouit des pluies de mai. Bien au contraire : la peur règne. Les agriculteurs craignent pour leurs récoltes de pois chiches en floraison, pour le blé à la veille de la moisson. Mais au fond, la vraie question est : Pourquoi notre agriculture reste-t-elle aussi vulnérable face à des pluies que l’on peut prévoir et anticiper ?
Rachid El Ghazoui, agriculteur dans la région du Loukkos, exprime ses craintes : « La pluie à ce moment de l’année ne nous aide plus. Elle détruit le pois chiche et abîme les céréales ». Il se souvient d’une année où la pluie tardive avait gravement dégradé la qualité du blé, pourtant prêt à être récolté.
Pluie hors saison : qui est responsable ?
Les experts s’accordent sur une chose : le danger n’est pas tant dans la pluie que dans l’absence de préparation. Ryad Ouhteita, expert en agriculture, explique que ces pluies favorisent les maladies fongiques, augmentent les coûts de production, forcent les agriculteurs à acheter des fongicides coûteux, et menacent gravement les récoltes de printemps et d’automne.
Pourquoi alors ne pas élargir les régimes d’assurance agricole ? Pourquoi ne pas investir dans la recherche pour créer des semences plus résistantes à l’humidité tardive ou à la grêle ? Pourquoi laisse-t-on encore le sort de nos récoltes entre les mains du ciel ?
Conclusion :
Ce n’est pas la pluie qui ruine les récoltes… c’est notre échec à nous y préparer. Et si l’eau du ciel peut inonder un champ, les mauvaises politiques peuvent inonder tout un secteur. À quoi bon prier pour la pluie, si nous n’avons pas sur terre les institutions capables de bien l’utiliser ?