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Appel de la Confédération Démocratique du Travail le 1er Mai 2025 : De la revendication sociale à la question de la légitimité de l’action syndicale

Entre protestation et questionnement politique

Dans un contexte où les tensions sociales au Maroc sont croissantes, la Confédération Démocratique du Travail a lancé son appel à Mohammédia pour la commémoration du 1er Mai 2025 sous le slogan « Aucune légitimité pour les lois qui institutionnalisent la corruption ». Bien que le contexte immédiat soit celui de la Fête du Travail, cet appel va au-delà du cadre syndical pour introduire un discours politique implicite qui soulève des questions complexes sur les limites de l’action syndicale et ses perspectives dans un Maroc en pleine redéfinition de ses équilibres économiques et sociaux.

Premièrement : Entre discours de solidarité et la question palestinienne – Position de principe ou exploitation circonstancielle ?

En tête du communiqué, la Confédération a mis l’accent sur la solidarité avec le peuple palestinien, condamnant le « massacre israélien » et dénonçant la normalisation des relations arabes avec Israël. Dans un contexte où la politique étrangère s’entrelace avec les émotions populaires, cette position pourrait sembler évidente. Cependant, elle pose la question centrale suivante :

Est-ce que la question palestinienne s’est transformée en un outil de mobilisation politique interne, ou est-ce seulement une expression de solidarité dans un moment de crise internationale ?

En l’absence de programmes concrets pour soutenir les travailleurs touchés par les conséquences économiques mondiales – de l’inflation à la baisse du pouvoir d’achat – le défi consiste à passer du discours à l’action. Les syndicats, y compris la Confédération, peuvent-ils jouer un rôle dans l’élaboration d’une vision économique nationale face aux crises géopolitiques majeures, ou sont-ils condamnés à rester dans une logique de réaction ?

Deuxièmement : Les politiques gouvernementales sous critique – Entre accusation de faillite et absence de programme alternatif

L’appel ne cache pas sa position ferme contre le gouvernement, l’accusant de « corruption » et de « libéralisation des prix ». Cependant, il n’a pas proposé de solutions économiques claires ni de propositions concrètes dans un contexte financier complexe.

  • Est-il réaliste d’augmenter les salaires de manière générale alors que la dette publique est en hausse et que les investissements sont en recul ?

  • Comment le syndicat peut-il concilier la demande de protection sociale avec les capacités financières limitées de l’État ?

Le discours syndical semble ici prisonnier de revendications justifiées en principe, mais difficilement réalisables sans une stratégie qui prenne en compte l’équilibre économique global.

Troisièmement : La crise de Mohammédia – Échec local ou symptôme d’une défaillance nationale ?

L’appel a vivement critiqué la gestion de la municipalité de Mohammédia, qualifiant de « désastre total » la situation du chômage, de la dégradation des infrastructures et des dérives de la gestion locale. Toutefois, la question sous-jacente demeure :

Peut-on réduire la responsabilité à la gestion des municipalités, ou existe-t-il un problème plus large lié au financement et à la gouvernance au niveau central ?

Ignorer le rôle de l’État dans le financement des projets locaux prive l’analyse de sa profondeur et la transforme en un « diagnostic partiel » d’une crise structurelle qui exige une approche globale, commençant par une réforme de la décentralisation financière et en finissant par le renforcement de la démocratie participative.

Quatrièmement : Les travailleurs et les grandes transformations du marché du travail – Où est le projet social syndical ?

Bien que l’appel insiste sur la défense des droits des travailleurs, il ne précise pas comment il fait face aux transformations structurelles du marché du travail, telles que la montée de l’économie collaborative, le télétravail, la flexibilité des contrats, et l’augmentation du travail informel.

  • Quelle est la vision du syndicat pour former les jeunes aux nouveaux secteurs (énergies renouvelables, numérique, intelligence artificielle) ?

  • Y a-t-il une stratégie pour réformer l’éducation technique et la formation professionnelle ?

  • Que faire pour les millions de travailleurs dans le secteur informel ?

Les questions sont nombreuses, mais les réponses syndicales semblent absentes ou noyées dans des généralités, laissant le discours social sans véritable outil d’exécution.

Cinquièmement : La marche du 1er Mai – La symbolique du moment et la double agenda

Le choix du 1er Mai pour organiser la marche confère une légitimité symbolique à l’action. Cependant, le parcours choisi pour la marche – partant du « cinéma de la réussite », passant par des rues telles que « Palestine » et « résistance » – suggère une dimension idéologique qui va au-delà des revendications professionnelles immédiates.

La marche est-elle simplement une affirmation des droits économiques et sociaux, ou fait-elle partie d’un projet plus large visant à repositionner certaines forces dans le paysage politique et syndical national ?

Cette dimension renforce l’hypothèse selon laquelle le syndicat dépasse désormais son rôle strictement professionnel pour se livrer à une action politique implicite, ce qui est légitime en soi, mais qui nécessite davantage de transparence et de responsabilité intellectuelle vis-à-vis de ses bases.

Conclusion : Entre « protestation mobilisatrice » et « participation à l’élaboration des politiques publiques » – Le syndicat à la croisée des chemins

L’appel de la Confédération Démocratique du Travail met en lumière de véritables problématiques sociales : l’inflation, le chômage, les défaillances de gestion locale, et l’absence de justice sociale. Cependant, il lui manque des réponses concrètes et des projets alternatifs clairs.

Le plus grand défi reste :

Les syndicats marocains, et notamment la Confédération, peuvent-ils passer de la position de « protestataire » à celle de « partenaire dans l’élaboration des politiques publiques » ?

Face à la régression du secteur industriel, l’essor de l’économie informelle, et le recul de l’État social traditionnel, il devient impératif de repenser les rôles du syndicat, non seulement comme un appareil de pression, mais aussi comme un acteur contribuant à la production de solutions.

Dernière question… posée par le journalisme d’analyse :

Si le gouvernement justifie ses réformes économiques par la nécessité de réformer, et que ces réformes se heurtent aux revendications syndicales, quel est le scénario le plus réaliste pour protéger les travailleurs sans envenimer le conflit social ?

La réponse ne peut être un simple slogan… mais plutôt une vision globale, qui redéfinit le contrat social dans un Maroc post-crises.

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