Depuis Témara, ville généralement calme sur le plan administratif, l’affaire Chaimae a éclaté, suscitant un débat sociétal et juridique sur l’équilibre du pouvoir entre l’administration et le citoyen. S’agit-il d’un comportement isolé ou d’une réaction légitime à des années de “hogra” que subissent de nombreux Marocains ?
Lors d’une audience tendue, jeudi, au tribunal de première instance de Témara, la jeune femme appelée Chaimae a reconnu avoir giflé un caïd, chef d’arrondissement administratif. Mais selon elle, elle ignorait qu’il s’agissait d’un représentant de l’autorité. Son geste était motivé, affirme-t-elle, par un sentiment d’humiliation – la fameuse hogra – et par la volonté de défendre son mari, pris à partie par un agent des forces auxiliaires.
Mais la question de fond demeure : un citoyen peut-il exprimer son indignation par une gifle ? Et l’autorité de l’État peut-elle être défiée par une simple main levée ?
Quand une gifle devient le miroir d’un malaise social
Ce qui frappe dans le témoignage de Chaimae, c’est qu’elle affirme ne pas avoir reconnu l’homme comme étant un représentant de l’autorité. Le seul identifiable était l’agent des forces auxiliaires en uniforme. Son mari lui a alors demandé de filmer la scène pour se protéger en cas de dérapage.
بين الحقيقة والشعور بالحكرة: شيماء تتحدث عن صفعها للقائد والواقع المجهول وراء الفيديو
C’est une témoin présente sur les lieux qui l’a alertée, après coup, qu’elle venait de gifler un responsable administratif. À ce moment-là, dit-elle, elle a réalisé qu’elle avait peut-être franchi une limite.
Dès lors, où commence réellement l’outrage ? Qui définit l’abus ? Et pourquoi l’élément déclencheur – la détresse d’un couple modeste – est-il si peu exploré dans le débat ?
Une défense entre critique du pouvoir et louange du sang-froid
L’avocat de Chaimae n’a pas nié le geste, mais a dénoncé une “lecture unique” des faits centrée sur la sacralité de l’État. L’un d’eux s’est interrogé : “Une gifle peut-elle réellement ébranler un État millénaire ?”
À l’opposé, l’avocat du caïd, Me Kroit, a salué “la sagesse” de son client, qui n’a pas riposté, malgré deux gifles. Ce commentaire soulève une autre question implicite : l’autorité est-elle en train de revoir son image, consciente de l’impact d’un geste en apparence banal dans une société sous tension ?
Une vidéo incomplète… et des saignements non signalés
La défense a exigé que la vidéo soit visionnée dans son intégralité, sans sélection. Chaimae, visiblement déstabilisée, a été confrontée à des questions sur ses intentions de filmer si elle ignorait vraiment l’identité du caïd. Elle a aussi évoqué un saignement, pour la première fois depuis son incarcération, ce qui a été contesté par la partie adverse, soulignant qu’aucune trace n’en avait été faite pendant l’enquête.
Si la jeune femme dit avoir été blessée, pourquoi ce fait n’a-t-il pas été enregistré plus tôt ? Et si la vidéo est tronquée, que cache-t-elle vraiment ?
L’affaire dépasse la gifle… et questionne l’État
Au fond, cette affaire révèle bien plus qu’un simple geste d’humeur. Elle dévoile le fossé entre les citoyens et l’institution administrative. Quand l’autorité devient anonyme, et que la parole est étouffée jusqu’à éclater en gifle… c’est toute une société qui se retrouve jugée.
Personne ne justifie la violence. Mais qui interroge ses causes ? Qui lance enfin un débat national sur les limites psychologiques et sociales que ni l’autorité, ni le citoyen ne devraient franchir ?