mardi, décembre 2, 2025
AccueilActualitésQuand l’avenir s’effondre : les jeunes face aux pièges de la radicalisation

Quand l’avenir s’effondre : les jeunes face aux pièges de la radicalisation

Le sujet du recrutement des jeunes refait surface, mais cette fois avec une urgence palpable. L’arrestation, à Tétouan, d’un jeune homme de 26 ans soupçonné d’allégeance à “Daech” et en pleine préparation d’un acte terroriste imminent n’est pas un simple fait divers sécuritaire. C’est un révélateur. Une fissure qui laisse entrevoir une problématique bien plus profonde : comment une partie de la jeunesse marocaine se retrouve-t-elle attirée par la violence, le radicalisme, ou par l’illusion d’un sens à travers la destruction ?

Une génération à l’horizon obscurci

Le constat s’impose, presque brutal : une partie des jeunes avance sans boussole.
École défaillante, marché du travail saturé, institutions lointaines, perspectives floues… et au centre de ce paysage brouillé, un adolescent ou un jeune adulte qui cherche une place, une voix, une identité.

Lorsque l’espoir se rétrécit, il laisse souvent un vide. Et ce vide, d’autres s’empressent de le remplir.

Internet : la nouvelle fabrique des convictions fragiles

Le chercheur Moulay Ahmed Saber l’explique avec précision : Internet n’est plus un simple outil. Il est devenu un espace de recomposition du sens, un laboratoire idéologique ouvert 24 heures sur 24. Les organisations extrémistes l’ont compris bien avant les institutions. Elles y ont posé des racines, développé un savoir-faire, un langage, une esthétique, capables de séduire les adultes comme les adolescents… et même les enfants.

À l’âge où l’on construit péniblement son identité, où les grandes questions – Dieu, justice, appartenance, injustice – deviennent lancinantes, la radicalité offre une réponse brutale mais simple. Presque apaisante.

Dans un monde complexe, le discours extrême séduit par sa linéarité.

Les turbulences silencieuses de l’adolescence

Saber parle d’un “calme violent” intérieur que traverse le jeune à l’orée de l’adolescence.
C’est une période indéfinissable, faite de contradictions, de quête de soi, d’impulsivité.
Une période où la pensée critique se cherche encore, où la hiérarchie des priorités n’est pas fixée, et où l’affect prend le dessus sur la raison.

Les groupes extrémistes le savent.
Ils offrent à ces jeunes un “sentiment d’existence”, une illusion de puissance, un cadre rigide dans lequel toutes les incertitudes s’effacent.

Même les jeux vidéo – note le chercheur – contribuent parfois à banaliser le recours à la violence comme solution, non pas parce qu’ils produisent mécaniquement des terroristes, mais parce qu’ils habituent certains esprits à la logique du combat permanent.

Les “loups solitaires” : jeunesse livrée à elle-même

Pour Idriss Kenbouri, spécialiste des questions religieuses, le phénomène des “loups solitaires” s’explique par un mélange explosif :
méconnaissance religieuse, immaturité intellectuelle, hyper-connexion aux réseaux sociaux, et bombardement d’images sanglantes provenant de théâtres de guerre comme Gaza, le Soudan ou la Syrie.

Cette jeunesse ne dispose pas, dit-il, des outils de lecture rationnelle.
Elle réagit à chaud.
Elle réagit avec le cœur.
Et c’est précisément ce que recherchent les groupes terroristes : des profils malléables, sensibles à l’indignation, prompts à confondre empathie et violence légitime.

Le radicalisme : un phénomène global, pas religieux

Kenbouri rappelle une vérité souvent occultée : le radicalisme ne se limite pas à l’islam.
Ce qui se passe à Gaza montre un extrémisme nourri par une idéologie religieuse juive ultra-nationaliste.
La chrétienté connaît elle aussi ses dérives.

Nous ne sommes pas face à une crise confessionnelle, mais à une vague mondiale de confrontation identitaire.
Un séisme invisible, qui traverse les sociétés et recompose les imaginaires.

La sécurité, nécessaire… mais insuffisante

Les services de sécurité jouent un rôle central.
Ils préviennent, interceptent, neutralisent.
Mais ils ne peuvent pas, à eux seuls, s’attaquer à l’origine du mal.

Car les racines sont sociales, économiques, psychologiques, géopolitiques.
On peut réduire le phénomène, dit Kenbouri, de 5 à 10 %.
Mais tant que les causes profondes demeurent – sentiment d’injustice, conflits internationaux, désespoir social –, 90 % du terreau restera fertile.

L’inquiétude essentielle

Cette affaire de Tétouan n’est pas un événement isolé.
C’est un miroir.
Il reflète une société qui avance, certes, mais dont une partie de la jeunesse se sent laissée sur le bord de la route, invisible, inaudible, vulnérable.

La vraie question – celle que l’on évite souvent – est la suivante :
Comment réinjecter du sens dans la vie de jeunes qui ne croient plus au futur ? Comment retisser la confiance alors que les repères s’effritent ?

Articles connexes

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

- Advertisment -spot_imgspot_imgspot_imgspot_img

Les plus lus

Recent Comments