Sur les réseaux sociaux, les hashtags fleurissent : #GénérationZAttend, #LeRoiNousEntend, #IlEstTempsDeChanger.
Mais à la fin du discours, le silence s’installe. Pas un silence politique, mais un silence d’incompréhension.
Le roi les a-t-il vraiment entendus ? Ou bien le message s’est-il perdu dans la subtilité du langage royal ?
Une génération en quête de reconnaissance
La Génération Z marocaine n’est pas seulement une catégorie d’âge : c’est un état d’esprit collectif forgé par des crises successives – chômage, précarité, corruption, et sentiment d’injustice sociale.
C’est une génération née dans un monde numérique, mais enfermée dans une réalité économique rigide.
Durant les semaines précédant le discours royal, des jeunes sont descendus dans les rues de plusieurs villes, brandissant le mot d’ordre de « dignité et justice sociale ».
Ils ne réclament pas des promesses abstraites, mais la reconnaissance d’une citoyenneté pleine et réelle.
Quand le roi parle… par symboles
Le discours royal fut équilibré, mesuré, ferme dans le ton – mais perçu comme trop allusif par ceux qui espéraient une référence explicite à leurs revendications.
Le roi a déclaré : « L’année qui s’ouvre doit être celle de l’action, de l’évaluation et de la reddition des comptes. »
Un message fort, certes, mais jugé trop institutionnel par les jeunes qui attendaient des réponses concrètes à leurs difficultés quotidiennes.
Dès le lendemain, les plateaux télévisés se sont animés : fallait-il lire ce discours comme un rappel général adressé aux institutions, ou comme un signal indirect aux mouvements sociaux ?
Sur le plateau : le choc des générations
Dans une émission très suivie, un débat oppose Houria Bamnssour, jeune militante du mouvement “Génération Z 212”, à Dr. Mostafa Taj, sociologue et membre du Parti de l’Istiqlal.
Deux voix, deux mondes.
Houria, indignée :
« Le roi n’a pas parlé de nous. Il n’a pas évoqué notre mobilisation, ni notre colère. Nous ne voulons plus de symboles ni de silences ; nous voulons des décisions. »
Dr. Taj, plus calme, réplique :
« Le roi a parlé, mais autrement. Il a rappelé aux institutions leur devoir d’assurer la justice sociale. C’est une manière intelligente de vous soutenir sans politiser le discours. »
Entre eux, un fossé se creuse :
Houria incarne l’impatience d’une jeunesse pressée de voir le changement ; Taj défend la lenteur du processus institutionnel.
Symbolisme contre réalisme politique
La question devient inévitable : le langage symbolique du pouvoir peut-il encore parler à une génération connectée ?
Les jeunes Marocains ne lisent plus les discours comme leurs aînés. Ils veulent des chiffres, des délais, des résultats.
Dans l’ère numérique, une phrase comme « redoubler d’efforts pour l’équité sociale » ne suffit plus.
Ils demandent : Qui ? Quand ? Comment ? Et avec quel impact ?
Le défi est donc double :
L’État doit apprendre à parler la langue de la transparence, pendant que la jeunesse doit apprendre à écouter autrement.
La corruption au cœur du malaise
Un reportage diffusé pendant le débat a jeté un pavé dans la mare :
74 % des Marocains estiment que la corruption est enracinée dans l’État.
Les pertes économiques liées à ce fléau dépasseraient 4 milliards de dollars par an.
Et selon le rapport, le gouvernement serait perçu comme la première source de ce problème, notamment en raison des conflits d’intérêts touchant son chef, l’homme d’affaires Aziz Akhannouch.
Houria s’indigne :
« Comment parler de justice sociale quand les ministres eux-mêmes contrôlent le marché ? Qui jugera les juges ? »
Silence sur le plateau.
Même le professeur Taj, habitué aux subtilités politiques, semble déstabilisé par la franchise brute de la jeune militante.
De l’intérieur du système ou depuis la rue ?
À un moment du débat, Taj lance :
« Celui qui ne se reconnaît pas dans un parti, il y en a trente autres. Le changement vient de l’intérieur. »
Réponse d’Houria, implacable :
« Nous les avons tous essayés. Rien n’a changé. »
Une phrase simple, mais d’une force dévastatrice.
Elle résume le désenchantement profond d’une génération sans représentants, sans relais, sans foi dans la politique traditionnelle.
Quand la langue du pouvoir ne suffit plus
Depuis son accession au trône, Mohammed VI a toujours jonglé entre symbolisme et pragmatisme.
Mais la donne a changé :
La génération Z ne regarde pas les journaux télévisés, elle vit dans le flux permanent de TikTok et d’Instagram.
Elle ne lit plus les métaphores politiques comme des codes, mais comme des écrans de fumée.
Cette génération demande :
-
Qui porte la responsabilité ?
-
Quand commence le changement ?
-
Où est la transparence promise ?
Le discours royal, en refusant de nommer explicitement les problèmes, a mis en lumière une fracture de communication plus qu’une fracture politique.
Des réformes promises, mais différées
Les réformes de l’éducation, de la santé et de l’investissement sont réelles sur le papier, mais leur impact reste invisible pour la majorité.
Les jeunes voient les prix monter, les salaires stagner, et les mêmes élites se partager les postes et les privilèges.
Alors, quand on leur parle de « vision 2035 », ils répondent :
« Nous, on veut vivre maintenant. »
La patience qui a longtemps caractérisé le peuple marocain semble s’éroder.
Ce que la Génération Z réclame, ce n’est pas la perfection, mais la cohérence entre les paroles et les actes.
Une société à la croisée des chemins
L’épisode du discours royal et les réactions qu’il a suscitées montrent que le Maroc vit un tournant culturel avant d’être politique.
Ce n’est plus seulement la nature du pouvoir qui est questionnée, mais sa manière de dialoguer.
Peut-on encore gouverner un peuple jeune avec le langage du secret et de la symbolique ?
Et, inversement, une génération élevée dans la contestation numérique peut-elle comprendre la lenteur des institutions ?
Le Maroc semble pris entre deux temporalités :
celle du pouvoir, qui avance avec prudence,
et celle de la jeunesse, qui brûle d’impatience.
Conclusion ouverte
Entre les mots du roi et la colère des jeunes, la vérité se cache dans les interstices.
Peut-être que le roi a entendu la Génération Z, mais il a choisi de répondre à sa manière.
Et peut-être que cette génération a compris le message, mais elle n’y croit plus.
Au fond, la vraie question reste entière :
La Génération Z continuera-t-elle d’attendre ? Ou trouvera-t-elle d’autres chemins pour se faire entendre ?
La réponse, cette fois, ne viendra pas d’un discours royal,
mais d’une action collective qui transformera les symboles en réalité.



