Dans une démarche sans précédent sur la scène nationale, les jeunes du mouvement « Génération Z 212 » ont adressé un message direct au roi Mohammed VI, plaçant ainsi les revendications populaires à un niveau plus élevé que toute manifestation précédente, du quartier au palais. Ce document, consulté par DW Arabe, ne se limite pas à exprimer la colère, mais porte des demandes concrètes et profondes touchant au pouvoir d’achat, à l’éducation, à la santé et à la lutte contre la corruption dans les institutions de l’État.
De la rue au palais : un nouveau type de discours jeunesse
Selon Mehdi Sabiq, activiste politique et membre du mouvement, le message n’a pas émergé de nulle part, mais après des heures de discussions internes, avec un large consensus sur les priorités de réforme. Ce pas représente une transition qualitative : les manifestations ne se limitent plus à des revendications sociales, mais deviennent politiques, exigeant une reddition de comptes pour le gouvernement et les institutions, et mettant un terme à la corruption systémique.
La demande principale est la destitution du gouvernement actuel dirigé par Aziz Akhannouch, conformément à l’article 47 de la Constitution, en raison de son échec à protéger le pouvoir d’achat et garantir la justice sociale, ainsi que l’ouverture d’un processus judiciaire impartial pour sanctionner les corrompus et dissoudre les partis impliqués dans des réseaux de favoritisme et de corruption. Les jeunes exigent également l’application du principe d’égalité et l’assurance de chances équitables en matière d’éducation, de santé et d’emploi, ainsi que la libération de tous les détenus d’opinion et manifestants.
Intervention royale : nécessité politique et constitutionnelle
Le chercheur en relations internationales, Abdelhadi Mezrari, estime que le Maroc est confronté à une situation unique, où l’intervention royale devient une nécessité politique et non une simple réponse sociale. Selon lui, le roi est appelé à garantir la stabilité et l’unité de l’État, notamment face aux défis diplomatiques liés au Sahara marocain et aux pressions internationales.
Colère populaire et évolution des revendications
Le mouvement a débuté avec des revendications sociales limitées, surtout après des scandales dans le secteur de la santé, comme à l’hôpital Hassantani à Agadir, mais il a rapidement évolué pour toucher au cœur des problèmes politiques, les jeunes prenant conscience que l’échec social découle des politiques publiques défaillantes et de l’inefficacité gouvernementale. Cette évolution reflète la maturité du mouvement, qui aborde les grandes questions avec rationalité et responsabilité, loin de la violence, malgré une médiatisation internationale partielle via les déclarations du Secrétaire général de l’ONU et de l’Union européenne.
Peuple et roi : un nouveau chapitre relationnel
Le souci des jeunes de communiquer directement avec le roi reflète leur compréhension profonde de la relation historique entre l’institution royale et le peuple. Le message n’est pas une opposition à la monarchie, mais place le souverain en tant que garant de la Constitution et de la justice sociale, appelant à des décisions politiques correctives face à un gouvernement inefficace et des partis corrompus.
Réforme politique et lutte contre la corruption : un défi persistant
Les chiffres officiels montrent que le Maroc est passé de la 78e à la 99e place dans l’indice de perception de la corruption entre 2018 et 2025, avec des pertes annuelles estimées à 54 milliards de dirhams. Ces données soulignent la faiblesse des mécanismes de lutte contre la corruption et la nécessité d’une intervention royale pour assurer une reddition de comptes efficace et prévenir la répétition des échecs. L’intervention royale est donc essentielle pour maintenir la stabilité de l’État et l’unité de ses institutions, surtout face au déclin de la popularité des partis au pouvoir.
Conclusion : avertissement populaire ou opportunité historique ?
Le message de « Génération Z 212 » constitue un avertissement clair contre la poursuite de la détérioration, tout en offrant une opportunité historique de reconstruire la confiance entre le peuple et les institutions, et de corriger le parcours du développement et de la justice sociale. Ce document reflète la conscience politique d’une nouvelle génération, plaçant l’État face à un test réel de sa capacité à répondre aux demandes de son peuple, tout en préservant la stabilité et l’unité nationale.
