mardi, décembre 2, 2025
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L’Observatoire National des Études Stratégiques face aux émeutes : entre alerte et appel au sursaut collectif

Un communiqué de l’Observatoire National des Études Stratégiques est venu marquer un tournant dans la lecture officielle et académique des dernières manifestations de jeunesse qui ont secoué certaines villes marocaines. En insistant sur le “caractère criminel” des débordements violents, l’Observatoire place la question de la stabilité nationale au cœur de l’équation, tout en soulevant implicitement de nombreuses interrogations.

De la légitimité sociale à la criminalisation des actes violents

Le texte reconnaît d’emblée que les manifestations avaient pour origine des revendications sociales “légitimes”. Mais très vite, le discours opère une rupture nette : ce qui avait commencé comme une expression citoyenne est requalifié en “émeutes” et en “violences gratuites”. Les termes choisis sont lourds de sens : “saccages, incendies, pillages, agressions”. Le message est clair : aucune sympathie envers la jeunesse ne saurait justifier ces “dérives criminelles”.

Derrière cette rhétorique, une question demeure : pourquoi une contestation sociale bascule-t-elle si rapidement dans la confrontation et la destruction ? Est-ce le signe d’une faiblesse des mécanismes de médiation sociale ? Ou bien faut-il y voir la main invisible de ce que le communiqué appelle des “tentatives extérieures” visant à exploiter la vulnérabilité intérieure par des campagnes de désinformation et des cyberattaques ?

Un langage sécuritaire et une logique de dissuasion

Le communiqué ne se contente pas de qualifier les événements : il exige une réponse ferme. L’application “rigoureuse” de la loi, la solidarité avec les forces de l’ordre, la nécessité de protéger les institutions et les biens collectifs… Tout concourt à ériger un discours de dissuasion qui dépasse le registre analytique pour s’installer dans le champ du stratégique.

Ainsi, l’Observatoire dessine une ligne rouge : ce qui est en jeu n’est pas seulement l’ordre public ponctuel, mais bien la résilience de l’État face à des menaces perçues comme systémiques.

Les angles morts : une crise de confiance ?

Ce qui frappe dans le communiqué, c’est l’absence de toute référence concrète aux racines socio-économiques du malaise. Les revendications initiales, pourtant qualifiées de “légitimes”, disparaissent derrière la mise en avant du “désordre” et de la “violence”. Cette omission traduit-elle une stratégie de communication visant à préserver l’image de stabilité avant tout ? Ou s’agit-il d’un biais institutionnel plus profond qui tend à réduire toute contestation à une menace sécuritaire ?

Cette approche pourrait, paradoxalement, accentuer le fossé entre les jeunes et les institutions. Le “génération Z”, fort de ses outils numériques et de son agilité organisationnelle, a déjà démontré sa capacité à transformer l’indignation virtuelle en mobilisation de rue. L’angle sécuritaire du communiqué semble reconnaître ce risque, tout en l’associant à des ingérences étrangères.

Entre réalisme et dramatisation

Le texte évolue ainsi sur deux registres :

  • un registre réaliste qui souligne les dangers des violences et appelle à l’application stricte de la loi ;

  • et un registre de dramatisation qui invoque la menace extérieure pour renforcer l’unité nationale autour des institutions.

Mais une interrogation persiste : peut-on apaiser la colère sociale en brandissant le spectre de l’ennemi extérieur ? N’est-il pas plus pertinent de repenser les canaux de dialogue afin d’éviter que la rue devienne l’unique espace d’expression ?

La stabilité comme responsabilité partagée

En conclusion, le communiqué affirme que “la préservation de la stabilité est une responsabilité collective”. Une formule qui peut se lire de deux manières :

  • comme une véritable invitation à la co-construction d’un climat social apaisé ;

  • ou comme une injonction implicite aux jeunes manifestants de s’auto-discipliner sous peine d’être considérés comme fauteurs de trouble.

🔹 Analyse finale
Ce communiqué dépasse le simple constat technique : il s’inscrit dans une stratégie de verrouillage où la priorité affichée est de préserver la stabilité nationale. Mais la vraie équation reste entière : comment maintenir l’ordre sans s’attaquer aux causes profondes de la colère sociale ? C’est là que se joue, en réalité, la résilience du modèle marocain.

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