La lettre ouverte de Mohamed Ouzzine à la majorité gouvernementale n’a rien d’un simple discours partisan. Elle résonne comme une sirène d’alarme dans un paysage politique fragilisé. L’homme n’y va pas par quatre chemins : le « gouvernement des compétences » serait devenu un « gouvernement des récompenses », enchaînant promesses électorales envolées, décisions contradictoires et comités sans fin.
Mais s’agit-il d’une opposition en quête de visibilité ou d’un diagnostic lucide d’un échec gouvernemental qui ronge le quotidien des citoyens ?
D’un « cœur ouvert » à un pays à bout de souffle
Ouzzine choisit un langage cru, brossant le tableau sombre d’un Maroc miné par l’inflation, le chômage, l’effondrement de la santé et de l’éducation. Il accuse un exécutif qui brandit des indicateurs et des chiffres, alors que les Marocains peinent à acheter du pain ou à trouver un lit dans un hôpital. Pire encore : selon lui, le gouvernement a échoué non seulement à gouverner, mais surtout à comprendre son peuple. « Votre cohésion interne ne vaut rien si vous n’êtes pas en cohésion avec les citoyens », lance-t-il.
Un exécutif prisonnier de l’improvisation
La lettre dénonce un enchaînement de décisions annulées par leurs contraires, un ministre de la Santé multipliant les « comités » au lieu des solutions concrètes. Résultat : c’est le citoyen qui paie la facture, non seulement de sa poche mais aussi de sa vie. La question se pose alors avec acuité : avons-nous encore un gouvernement qui gouverne, ou seulement une gestion de crise improvisée ?
De « l’hôpital de la mort » à l’avion de Zagora
Le passage le plus marquant de la lettre concerne la santé publique. L’image d’un enfant évacué par avion de Zagora vers Rabat a fait le tour des réseaux sociaux. Loin de rassurer, elle a révélé la profondeur du drame : pourquoi n’a-t-on jamais vu ces avions avant la colère d’Agadir ? Pourquoi attendre la tragédie pour agir ? La formule d’Ouzzine claque comme un verdict : « Nous voulons l’hôpital Souissi dans toutes les provinces, pas des enfants qu’on transfère vers le Souissi. »
Une opposition vraiment crédible ?
Mais l’attaque frontale d’Ouzzine soulève une autre question : l’opposition peut-elle se dédouaner totalement de cette crise ? S’agit-il d’un simple coup politique surfant sur la vague de colère populaire ? Ou bien d’une tentative de repositionnement du Mouvement Populaire en vue des prochaines échéances électorales ? Car si Ouzzine accuse le gouvernement d’incompétence, lui-même use de ressorts populistes sans proposer de solutions concrètes.
Entre populisme et brutalité politique
Ouzzine n’a pas tort lorsqu’il décrit une majorité incapable de tenir ses promesses et engluée dans les contradictions. Mais son discours, brutal et émotionnel, flirte aussi avec la surenchère politique. Il n’empêche : sa lettre a le mérite de briser le vernis officiel et de rappeler une vérité dérangeante : les Marocains ne vivent pas mieux malgré les chiffres triomphalistes. Alors, la vraie question est ailleurs : avons-nous besoin d’un nouveau gouvernement, ou d’une nouvelle classe politique tout entière ?
Conclusion
La lettre d’Ouzzine n’est pas un simple pamphlet : c’est un cri d’alerte. Elle traduit un malaise profond et une défiance croissante envers un gouvernement jugé « désorganisé ». Si ce constat se confirme, le danger ne réside plus seulement dans la flambée des prix ou la dégradation des services publics, mais dans l’érosion de la confiance citoyenne envers la politique elle-même.