Dans un scénario chargé d’émotions, l’athlète marocain Soufiane El Bakkali a décroché la médaille d’argent du 3000 mètres steeple lors des Championnats du monde d’athlétisme organisés à Tokyo, avec un chrono de 8:33.95.
La médaille d’or est revenue au Néo-Zélandais Geordie Beamish (8:33.88), tandis que le Kényan Edmond Serem a complété le podium en 8:34.56. L’autre Marocain, Salaheddine Benyazid, a terminé cinquième en 8:35.16.
À première vue, ce résultat peut être perçu comme un nouveau succès pour El Bakkali, habitué à briller sur la plus haute marche du podium. Mais un constat s’impose : pourquoi cette fois-ci, le champion marocain a dû se contenter de l’argent ?
Un scénario de course riche en rebondissements
El Bakkali (29 ans) a opté pour une stratégie attentiste, restant en queue de peloton durant les premiers tours avant d’accélérer dans les deux derniers. Face à l’Éthiopien Lamecha Girma, détenteur du record du monde, le Marocain semblait se diriger vers un troisième sacre mondial consécutif. Mais c’est Beamish (28 ans), grâce à une accélération fulgurante dans les derniers mètres, qui a bouleversé les pronostics en s’imposant pour quelques centièmes seulement (0,07 seconde d’écart).
D’où une première interrogation : cette tactique prudente était-elle judicieuse ? Ou a-t-elle privé El Bakkali de l’explosivité nécessaire au moment décisif ?
Les causes possibles de ce « recul »
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La préparation physique et technique
El Bakkali lui-même a reconnu ne pas avoir franchi le dernier obstacle de façon optimale. Était-ce le signe d’une légère baisse de fraîcheur physique ou d’un relâchement de concentration après une saison exigeante, marquée par les Jeux olympiques de Paris ? -
La dimension tactique
Le Marocain domine habituellement grâce à sa lecture intelligente des courses et à son finish redoutable. Mais la progression rapide de nouveaux concurrents, comme Beamish, montre que la concurrence affine ses propres stratégies. El Bakkali a-t-il été surpris par cette montée en puissance ? -
Les facteurs extérieurs
Conditions climatiques, rythme de course, gestion des obstacles : autant d’éléments qui peuvent faire basculer l’issue d’une épreuve où la moindre erreur coûte cher.
Entre satisfaction et déception
Malgré la déception, El Bakkali a affiché un certain apaisement :
« J’ai tout donné, je n’ai rien épargné, mais je n’ai pas réussi à franchir le dernier obstacle comme je le voulais », a-t-il déclaré.
Pour lui, cette médaille reste une victoire en soi, fruit de sacrifices et d’années de travail acharné. Il a également tenu à remercier la Fédération royale marocaine d’athlétisme ainsi que le peuple marocain pour leur soutien inconditionnel.
Des attentes immenses, une pression lourde
Ce résultat contraste avec les attentes, puisque le Marocain avait réalisé le meilleur chrono mondial de l’année (8:00.70) lors du Meeting international Mohammed VI de Rabat, inscrit au circuit de la Diamond League. De plus, il avait dominé facilement les séries (8:26.99), laissant penser qu’il visait une nouvelle consécration historique, à l’instar des Kényans légendaires Moses Kiptanui et Ezekiel Kemboi, seuls à avoir enchaîné trois titres mondiaux consécutifs.
Mais cette ambition n’a pas abouti. Alors, la pression des pronostics n’a-t-elle pas pesé trop lourdement sur les épaules du champion marocain ?
Une médaille d’argent riche en enseignements
La médaille d’argent de Tokyo ne doit pas être interprétée uniquement comme une « défaite ». Elle incarne à la fois la régularité d’El Bakkali au plus haut niveau et la difficulté extrême de maintenir une domination durable dans une discipline aussi exigeante. Elle rappelle aussi que le sport est fait de victoires éclatantes mais aussi de revers, qui deviennent des sources de réflexion et d’amélioration.
Conclusion : au-delà de l’argent, un rappel des réalités du sport
La performance de Soufiane El Bakkali invite à dépasser la logique binaire du « perdant/gagnant ». Elle interroge la préparation, les choix tactiques, mais aussi la gestion des attentes collectives placées sur un champion devenu symbole national.
Si l’or s’est échappé de peu, l’argent reste le signe d’un champion toujours présent au sommet, mais désormais challengé par une concurrence mondiale en pleine évolution.
En définitive, le sport demeure une école de vie, où chaque course, qu’elle se conclue par l’or ou par l’argent, est un pas de plus dans la quête de l’excellence.