mercredi, décembre 3, 2025
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Le nouveau Code de procédure pénale entre louanges et controverse : réforme profonde ou restriction du contrôle citoyen ?

Après des années de discussion et de préparation, la loi n°03.23 modifiant et complétant le Code de procédure pénale a finalement été publiée au Journal officiel n°7437 du 8 septembre 2025. Ses dispositions entreront en vigueur après une période transitoire de trois mois, offrant ainsi aux institutions, à la justice et aux associations le temps de se préparer à l’application concrète des nouvelles règles. Le ministère de la Justice a qualifié cette étape d’« historique » dans le processus de modernisation de la justice marocaine, mais elle a suscité en parallèle un débat intense parmi les juristes et les associations, notamment concernant les articles 3 et 7, considérés par les opposants comme une limitation du rôle de la société civile dans le contrôle de la corruption et des deniers publics.

Bénéfices annoncés : renforcement des droits des prévenus et des victimes

Le ministère de la Justice considère cette loi comme une manifestation de la volonté politique de consolider l’État de droit, soulignant qu’elle renforce les garanties d’un procès équitable, notamment :

  • La réduction du recours à la détention préventive et sa limitation aux cas les plus stricts.

  • L’obligation d’informer le suspect de ses droits dès son arrestation.

  • La possibilité pour le suspect de recourir à un avocat et à des services de traduction si nécessaire.

  • L’élargissement des droits des victimes en matière de signalement et d’assistance juridique et sociale.

  • La création d’un « Observatoire national de la criminalité » pour orienter la politique pénale sur la base de données fiables.

Le ministre de la Justice, Abdelatif Ouahbi, a estimé que cette réforme vise à faire de la justice marocaine un modèle à suivre au niveau régional et international, en accompagnant notamment la préparation du Maroc à l’accueil de la Coupe du monde 2030, où la « sécurité judiciaire » constitue un facteur de l’attractivité du Royaume.

Point de controverse : les articles 3 et 7

Les articles les plus discutés de la nouvelle loi sont :

  • Article 3 : Les enquêtes ou l’engagement de l’action publique pour les infractions portant atteinte aux deniers publics ne peuvent être initiés que sur demande du Procureur général près la Cour de cassation, suite à une saisine de la Cour des comptes ou sur la base d’un rapport des inspections générales.

  • Article 7 : Les associations ne peuvent se constituer partie civile que si elles démontrent « l’utilité publique » et obtiennent l’autorisation du ministère de la Justice.

Le gouvernement estime que ces dispositions sont nécessaires pour garantir des procédures légales organisées et éviter un usage arbitraire ou politique des actions judiciaires. Les juristes et associations, en revanche, les considèrent comme une restriction du rôle de la société civile dans la lutte contre la corruption.

Témoignages du terrain

  • Avocat M. Aloui : « L’article 3 rend le déclenchement d’une action judiciaire dépendant de procédures administratives qui peuvent retarder la justice ou être soumises à des influences politiques. »

  • Juriste S. Idrissi : « L’exigence d’une autorisation du ministère de la Justice pour les associations est contraire à l’esprit de la Constitution de 2011, qui a instauré la démocratie participative. Comment la société civile peut-elle jouer son rôle sous contrôle administratif ? »

  • Chercheur en droit : « Ces dispositions peuvent être purement organisationnelles, visant à assurer la crédibilité des décisions et à prévenir les abus ou l’instrumentalisation politique des affaires. »

Questions ouvertes pour le public et la justice

  • Ces articles sont-ils compatibles avec les droits fondamentaux garantis par la Constitution ?

  • Quels sont les critères pour définir « l’utilité publique » et qui en décide ?

  • L’application pratique risque-t-elle de retarder le suivi des infractions aux deniers publics ou de limiter le contrôle citoyen ?

  • Comment équilibrer l’indépendance du ministère public et la supervision administrative, tout en garantissant la non-politisation des procédures ?

Conclusion

La loi n°03.23 combine des mesures réformatrices pour renforcer les droits des prévenus et des victimes, avec des dispositions qui suscitent un débat sur le rôle de contrôle des associations et de la société civile. Le véritable enjeu réside dans le fait que l’entrée en vigueur du texte dans trois mois permettra de vérifier si ces dispositions seront de véritables leviers de modernisation de la justice ou des instruments bureaucratiques limitant la reddition de comptes.

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