mardi, décembre 2, 2025
AccueilActualitésCrise des PME et TPE au Maroc : entre statistiques officielles et...

Crise des PME et TPE au Maroc : entre statistiques officielles et réalité du marché

Dans un contexte de débat intense sur la situation des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) au Maroc, la ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah, a affirmé que cette catégorie avait obtenu en 2024 32 % des marchés publics, dépassant ainsi le quota légal de 20 %.

Cependant, ces déclarations n’ont pas mis fin aux controverses, les instances représentatives des entreprises estimant que ces chiffres sont « cosmétiques » et ne reflètent pas leur réalité quotidienne faite de faillites, de saisies et de retards de paiement.

Les PME : pilier de l’économie nationale sous pression

Ces entreprises représentent plus de 90 % du tissu économique national et sont supposées constituer le moteur du développement local et un amortisseur de l’emploi.
Pourtant, une succession de crises – de la pandémie de COVID-19 aux vagues de sécheresse et à l’inflation croissante – a entraîné la chute de milliers de PME, laissant derrière elles des histoires dramatiques de perte d’emplois, de fermetures de commerces et de projets suspendus, sources de revenus pour des milliers de familles.

Le terrain révèle un écart significatif entre le discours gouvernemental et la réalité économique, soulevant des questions fondamentales sur l’efficacité des politiques publiques pour soutenir cette catégorie stratégique.

Le financement : le maillon faible

L’un des principaux défis pour ces entreprises est l’accès au financement.
Les banques commerciales, selon les acteurs économiques, refusent de financer les TPE et PME en invoquant des risques élevés. Ce mécanisme crée un cercle vicieux : l’entreprise a besoin de financement pour se développer, mais elle n’y a pas accès en raison de sa petite taille et de sa fragilité, la laissant vulnérable jusqu’à l’éventuelle faillite.

La Confédération marocaine des PME tient le gouvernement pour responsable et souligne l’absence d’une banque nationale spécialisée pour soutenir cette catégorie, face à la défaillance des banques traditionnelles.

Réformes légales et mécanismes de mise en œuvre

Le décret du 20 mars 2013 (2-12-349) prévoit l’allocation de 20 % des marchés publics aux PME. Cependant, sa mise en œuvre pratique reste faible, malgré le décret 2-22-431 (mars 2023) visant à renforcer la transparence et faciliter la participation.

La loi 69-21 (juin 2023) sur les délais de paiement a constitué une avancée, mais son efficacité reste à l’essai, tandis que le cycle de trésorerie des PME demeure tendu.

Outils de financement alternatifs

Le gouvernement a tenté de soutenir les PME à travers plusieurs initiatives :

  • Fonds Innov Invest : doté de 500 millions de dirhams depuis 2017 pour soutenir les start-ups et projets innovants.

  • Financement via la garantie publique, le crowdfunding, le financement participatif islamique et les fonds d’innovation.

Ces outils, bien qu’utiles, ne répondent pas aux besoins du marché traditionnel, représentant la majorité des PME, ce qui en fait des solutions complémentaires plutôt qu’un remède global à la crise de liquidité.

Comparaison avec les expériences maghrébines et africaines

Tunisie

La Tunisie a lancé la « Startup Act » en 2018, offrant des incitations fiscales et des facilités administratives. Le gouvernement a également mis en place un projet de 120 millions de dollars pour faciliter l’accès au financement.

Algérie

L’Algérie soutient les PME via l’Agence de soutien et de développement des PME, proposant financements et facilités administratives, et développant des projets liés à l’économie circulaire.

Autres pays africains

Des pays comme l’Angola ont mis en place des stratégies nationales pour promouvoir l’entrepreneuriat et diversifier l’économie, tout en améliorant l’accès au financement via des programmes mixtes.

Défis communs : accès limité au financement, bureaucratie excessive, manque de formation et d’accompagnement des entrepreneurs.

Impacts économiques et sociaux

  • Le nombre de cas de défaillance judiciaire est passé de 14 245 en 2023 à 15 658 en 2024.

  • Les causes incluent l’inflation érodant le capital, les sécheresses réduisant la liquidité et les retards de paiement, transmettant la crise comme un effet domino entre entreprises.

  • Pour le marché public, la simple existence du quota de 20 % ne suffit pas ; des mécanismes efficaces sont nécessaires pour transformer la loi en réalité concrète.

Questions clés

  1. Le taux de 32 % des marchés publics reflète-t-il réellement la situation des PME ?

  2. Quelles sont les mesures pratiques de la Loi de Finances 2026 pour soutenir cette catégorie ?

  3. Comment appliquer le décret 2-22-431 avec des outils de mesure précis et transparents ?

  4. Existe-t-il un projet de création d’une banque nationale spécialisée dans le financement des PME ?

  5. Quelles actions concrètes pour réduire les délais de paiement et garantir l’efficacité du financement ?

Recommandations pratiques pour le Parlement et le gouvernement

  1. Création d’une banque nationale spécialisée : offrir des prêts aux PME à conditions favorables, sans garanties excessives.

  2. Application stricte de la loi sur les délais de paiement : avec des mécanismes de suivi efficaces.

  3. Simplification des procédures administratives : faciliter l’obtention de licences et d’accréditations.

  4. Développement de programmes de formation : renforcer les compétences des entrepreneurs en gestion, marketing et finance.

  5. Soutien à l’innovation et à la transformation digitale : incitations et assistance technique aux entreprises.

Recommandations journalistiques et analytiques

  • Renforcer la transparence : publication de tableaux de bord sur la répartition des marchés par secteur et région.

  • Accélérer le financement : développer des canaux adaptés au cycle opérationnel des PME.

  • Application effective des lois et décrets : garantir le respect du décret 2-22-431 et de la loi 69-21.

Conclusion

Les PME constituent le pilier de l’économie marocaine, mais elles font face à une crise à la fois financière et structurelle, menaçant leur survie. Les déclarations gouvernementales et les statistiques officielles, malgré leur importance, ne suffisent pas. Une volonté politique claire et une coordination efficace entre institutions sont nécessaires pour transformer les textes législatifs et les promesses financières en réalité tangible pour le marché.

Articles connexes

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

- Advertisment -spot_imgspot_imgspot_imgspot_img

Les plus lus

Recent Comments