Mustapha Baitas a annoncé que les recettes fiscales sont passées de 199 milliards de dirhams en 2020 à une prévision de 363 milliards de dirhams à l’horizon 2026, et que les ressources ordinaires de l’État ont évolué de 229 milliards de dirhams en 2020 à 427 milliards de dirhams en 2025. Il a également affirmé que le déficit budgétaire a reculé d’environ 7 % en 2020 à près de 3,5 % cette année, avec un objectif de 3 % l’an prochain, tandis qu’il est prévu de réduire le ratio d’endettement de 72 % environ à 65,8 % d’ici 2026.
Sur le plan environnemental, le Conseil de gouvernement a approuvé le projet de décret 2.25.432, visant à assouplir les conditions de recrutement et les missions des inspecteurs de la « police de l’environnement », et à augmenter leur nombre pour atteindre 80 inspecteurs en 2026.
Ces chiffres et initiatives appellent une lecture critique et approfondie :
D’où provient cette hausse des ressources ? Que recouvre réellement la notion de « maîtrise des équilibres macroéconomiques » ? Et l’assouplissement des conditions de recrutement des inspecteurs environnementaux renforcera-t-il les capacités de contrôle ou affaiblira-t-il la qualité de la surveillance ?
1) Pourquoi cette hausse des recettes fiscales ?
Baitas a évoqué plusieurs leviers : régularisation fiscale volontaire, amélioration du recouvrement de l’impôt (TVA, impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés), et reprise partielle de l’activité économique ayant élargi l’assiette fiscale. Les rapports officiels soulignent que la régularisation volontaire a généré des montants supérieurs aux prévisions initiales, et que la Direction générale des impôts a constaté des hausses notables en 2024.
Mais l’analyse plus fine impose des distinctions :
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Une part de l’augmentation est due à des mesures exceptionnelles (régularisations, recouvrements ponctuels) qui ne traduisent pas forcément un changement structurel durable. Certains experts critiquent ces mécanismes qui risquent de favoriser le recours au cash et d’entretenir un sentiment d’injustice fiscale.
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Une autre part provient sans doute des hausses de salaires et améliorations dans les secteurs public et privé, augmentant l’assiette de l’IR et de la TVA, ou encore d’une meilleure efficacité douanière et fiscale.
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Le vrai enjeu : cette progression est-elle durable ou n’est-elle qu’un « bond » conjoncturel ? De nombreux économistes insistent sur la nécessité d’une réforme structurelle du système fiscal, de la lutte contre l’évasion et d’une révision des exonérations fiscales.
Questions clés :
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Quelle est la part exacte des recettes issues de la régularisation volontaire ? Était-ce une opération ponctuelle ou appelée à se répéter ?
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Quelles mesures le gouvernement prévoit-il pour transformer ces gains exceptionnels en progression structurelle et permanente ?
2) Qu’en est-il du déficit et de l’endettement ?
Baitas a mis en avant une réduction du déficit de 7 % en 2020 à 3,5 % actuellement, avec un objectif de 3 % en 2026, ainsi qu’une baisse de la dette de 72 % à 65,8 %.
Ces chiffres paraissent flatteurs mais doivent être relativisés :
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Ils reposent sur des hypothèses de croissance optimistes (4,5 % annoncés pour 2026) et sur des prévisions de recettes incertaines. Un ralentissement économique ou des dépenses exceptionnelles pourraient déstabiliser ces équilibres.
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Des voix critiques rappellent que la dette publique totale (interne + externe) a dépassé 1 050 milliards de dirhams fin 2024, et que l’endettement reste élevé depuis la crise de 2020.
Questions pour le débat financier :
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Sur quelles hypothèses de croissance et de dépenses se basent ces prévisions de réduction du déficit ? Existe-t-il un scénario alternatif en cas de ralentissement ?
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Quel sera le niveau total de l’endettement en 2026 et comment le gouvernement compte-t-il réduire le service de la dette sans sacrifier l’investissement public ?
3) Opposition et observateurs : critiques et réserves
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Discours politique : les partis d’opposition dénoncent un décalage entre les indicateurs macroéconomiques et la réalité sociale (pouvoir d’achat, emploi). Ils réclament plus de transparence sur l’affectation des ressources.
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Régularisation fiscale : plusieurs experts estiment qu’elle peut créer un sentiment d’injustice et encourager des comportements opportunistes si elle n’est pas suivie de réformes structurelles.
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Endettement : d’autres partis et associations civiles craignent une dépendance excessive à l’emprunt, hypothéquant l’avenir des générations futures.
Questions à l’opposition :
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Quelles alternatives concrètes propose-t-elle pour accroître les ressources sans recourir à des mesures exceptionnelles ?
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Quelles stratégies pour élargir durablement l’assiette fiscale et réduire l’évasion ?
4) Projet de décret 2.25.432 et police de l’environnement : renforcement ou affaiblissement ?
Le décret adopté vise à porter le nombre des inspecteurs de 48 à 80 d’ici 2026, en abaissant les conditions d’accès (ancienneté réduite de 5 à 1 an, élargissement du recrutement à d’autres catégories administratives).
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Point positif : plus d’effectifs pour une couverture territoriale élargie et une réactivité accrue face aux infractions environnementales.
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Point sensible : l’assouplissement des critères risque de nuire à la qualité des contrôles si les nouveaux inspecteurs ne bénéficient pas d’une formation et de normes professionnelles rigoureuses. Le risque est de privilégier la quantité au détriment de la qualité.
Questions législatives et pratiques :
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Quelles formations et certifications accompagneront le renforcement de ce corps d’inspection ?
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Quelles garanties de contrôle interne et externe pour assurer la fiabilité des constats et procès-verbaux ?
5) Risques de communication politique
Le récit présenté par Baitas est rassurant et valorisant pour l’action gouvernementale, mais il reste incomplet. Sans données détaillées et vérifiables (rapports budgétaires, procès-verbaux, suivi des dépenses), il ouvre la voie aux critiques de l’opposition et au scepticisme citoyen.
Proposition pratique : publier un rapport gouvernemental détaillant la part de chaque impôt dans la hausse des recettes et les affectations budgétaires correspondantes, assorti d’un calendrier de suivi.
6) Recommandations pour un contrôle parlementaire et citoyen efficace
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Exiger un détail des sources de la hausse de 198 milliards de dirhams depuis 2020.
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Distinguer clairement les mesures ponctuelles des réformes structurelles.
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Publier les bilans de l’efficacité des mesures anti-évasion.
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Fournir une stratégie de formation et de certification des inspecteurs de l’environnement.
Conclusion : déclarations importantes, mais appel à une véritable reddition de comptes
Les propos de Mustapha Baitas traduisent des résultats réels dans la mobilisation des ressources et la gestion macroéconomique. Mais ils demeurent insuffisants sans preuves concrètes de durabilité, sans plan clair sur la dette et sans transparence sur l’allocation des fonds.
Le Parlement, l’opposition et la société civile ont la responsabilité de transformer ce discours chiffré en véritable débat de redevabilité, exigeant documents, rapports et engagements vérifiables, pour passer du storytelling gouvernemental à une transparence démocratique effective.



