Ces dernières semaines, certains médias européens, notamment en France et en Espagne, ont publié des articles contenant des accusations directes ou implicites à l’encontre d’Abdellatif Hammouchi, directeur général de la Sûreté nationale et de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST). Ces accusations, oscillant entre allégations de violations des droits humains et supposée implication dans des affaires d’espionnage comme celle du logiciel « Pegasus », ont ouvert un large débat : s’agit-il d’un exercice légitime de journalisme d’investigation, ou bien d’une campagne organisée visant à saper l’image d’un appareil sécuritaire devenu l’un des piliers de la stabilité régionale ?
Hammouchi : d’enquêteur à figure emblématique de la sécurité
On ne peut comprendre la campagne actuelle sans rappeler le parcours professionnel d’Abdellatif Hammouchi. Depuis sa nomination à la tête de la DGST en 2005, puis le cumul avec la direction générale de la Sûreté nationale en 2015, son nom est associé aux grandes mutations de l’architecture sécuritaire marocaine :
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Lutte antiterroriste : démantèlement de dizaines de cellules et prévention d’attentats visant aussi bien le Maroc que l’Europe.
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Lutte contre la criminalité organisée : démantèlement de réseaux transfrontaliers de trafic de drogue et d’immigration clandestine.
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Partenariats internationaux : mise en place d’une coopération étroite avec la France, l’Espagne et les États-Unis, saluée publiquement par plusieurs services occidentaux.
Ces réussites ont fait de Hammouchi une personnalité respectée à l’international, au point de recevoir la Légion d’honneur en France — une reconnaissance officielle qui contraste fortement avec certaines publications actuelles dans la presse française.
La nature de la campagne : amplification médiatique ou nécessité de redevabilité ?
Certains articles se fondent sur des plaintes anciennes classées sans suite par la justice, ou sur des accusations récurrentes jamais étayées par des preuves concrètes. Parmi les affaires ressuscitées figurent notamment :
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L’affaire « Pegasus », où le Maroc est accusé d’avoir utilisé un logiciel espion, sans qu’aucune décision judiciaire ne vienne confirmer ces allégations.
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Des plaintes pour torture déposées en France au cours de la dernière décennie contre Hammouchi, mais clôturées en 2016 pour insuffisance de preuves.
Cette utilisation sélective des informations soulève une question centrale : cherche-t-on réellement à établir la vérité, ou à construire un récit médiatique destiné à miner la crédibilité de la sécurité marocaine ?
Le timing : pourquoi maintenant ?
Le moment choisi pour relancer ces attaques n’est pas anodin. Plusieurs éléments de contexte l’éclairent :
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Les succès sécuritaires du Maroc : intensification du démantèlement de cellules terroristes, dont certaines affiliées à Daech, ce qui confirme le rôle central du Maroc comme partenaire sécuritaire de l’Europe.
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La compétition géopolitique : le Maroc renforce sa présence dans le Sahel et en Afrique de l’Ouest, une dynamique qui inquiète certaines puissances européennes habituées à dominer la région.
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La question migratoire : le Maroc s’impose comme un acteur clé dans la régulation de l’immigration irrégulière vers l’Europe, ce qui accroît son poids stratégique.
Dès lors, une interrogation s’impose : ces campagnes reflètent-elles une lutte d’influence internationale plus qu’un simple exercice journalistique ciblant une figure sécuritaire ?
La réponse marocaine : silence confiant ou faiblesse communicationnelle ?
Jusqu’à présent, la réaction du Maroc s’est caractérisée par un silence empreint de confiance. La justice a déjà tranché ou classé les dossiers liés à ces accusations, tandis que les plus hautes autorités de l’État ont réitéré leur confiance en Hammouchi.
Cependant, ce silence peut également être interprété comme une insuffisance de communication proactive, surtout à une époque où les médias et l’opinion publique jouent un rôle déterminant dans la formation des perceptions.
Le Maroc doit-il développer une stratégie de communication internationale plus offensive pour valoriser ses réussites sécuritaires, ou bien le choix d’une réponse sobre reste-t-il la meilleure option face à ce qui est perçu comme des campagnes passagères ?
Entre liberté de la presse et ciblage systématique
Il est évident que la redevabilité des responsables, quel que soit leur rang, fait partie intégrante du rôle de la presse indépendante. Mais lorsque les enquêtes reposent essentiellement sur des « sources anonymes » et des « informations non vérifiées », l’investigation devient un instrument d’influence plutôt qu’un outil de recherche de la vérité.
La question cruciale demeure : comment concilier la nécessaire liberté de la presse avec la protection des institutions sécuritaires contre la diffamation volontaire ?
Conclusion : une bataille d’image avant une bataille de sécurité
La campagne visant Abdellatif Hammouchi dépasse largement le cadre d’un débat juridique ou de droits humains. Elle s’inscrit dans une véritable bataille de récits et de rapports de force, où certains cherchent à affaiblir l’image d’un Maroc perçu comme une puissance montante en matière de sécurité régionale et internationale.
En définitive, le défi majeur pour le Maroc ne réside pas seulement dans la neutralisation des menaces terroristes ou la lutte contre le crime organisé. Il consiste aussi à défendre son image et sa crédibilité dans un monde où la puissance se mesure désormais autant par la capacité des États à raconter leur propre histoire qu’à protéger leurs frontières.



