jeudi, octobre 2, 2025
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Fuite des personnels infirmiers au Maroc : crise croissante et défis persistants… Les promesses suffisent-elles à freiner l’émigration ?

Dans les couloirs des Instituts Supérieurs des Professions Infirmières et des Techniques de Santé (ISPITS), ainsi que dans les services des hôpitaux publics sous pression constante, résonne une question inquiétante : pourquoi l’infirmier marocain insiste-t-il à se diriger vers le Canada, l’Allemagne ou les pays du Golfe, malgré toutes les promesses gouvernementales d’amélioration et d’emploi ?

Un phénomène croissant… des promesses répétées

Selon les données du Syndicat indépendant des infirmiers, le nombre de demandes d’émigration varie chaque année entre 800 et 900, pouvant parfois dépasser le millier. Ce chiffre ne reflète pas uniquement un désir individuel d’amélioration des conditions de vie, mais révèle un déséquilibre structurel dans le milieu professionnel au Maroc.

Bien que le ministère de la Santé ait récemment attribué 8 600 places de formation pour la saison 2025/2026, en vue d’atteindre 97 000 professionnels de santé d’ici 2030, la réalité demeure éloignée des ambitions : les besoins du système sont estimés à 65 000 infirmiers, tandis que le nombre actuel dans les hôpitaux ne dépasse pas 32 000.

Entre salaires et reconnaissance professionnelle

Les motivations ne sont pas uniquement financières. Les infirmiers se plaignent de l’absence de protection juridique de leur profession et de l’empiètement sur leurs prérogatives par les médecins, ce qui les expose à des responsabilités judiciaires floues. L’absence d’un ordre national des infirmiers, à l’instar de ceux des médecins et pharmaciens, laisse la profession vulnérable face aux risques.

S’ajoutent à cela la pression des gardes et des astreintes, ainsi qu’un système de contractualisation qui menace la stabilité professionnelle.

Une solution administrative suffit-elle ?

Le ministère de la Santé a promis de mettre fin au chômage des jeunes diplômés par l’emploi et a indiqué son intention d’améliorer les conditions de travail. Cependant, les expériences passées montrent que des solutions administratives partielles sont insuffisantes. Les syndicats soulignent que l’émigration ne sera pas stoppée par des décisions autoritaires, mais par une véritable politique d’attractivité, incluant l’augmentation des salaires, la réforme des systèmes d’indemnisation et la garantie de conditions de travail respectueuses de la dignité des professionnels.

La réforme sanitaire en jeu

Le lancement de l’expérimentation des « groupes de santé territoriaux » constitue une avancée dans le processus de réforme du système. Mais son succès dépend de la capacité du ministère à retenir un élément clé : l’infirmier. Comment parler de réforme globale alors que la fuite des compétences se poursuit ? Est-il concevable que le Maroc investisse dans la formation de ses cadres, pour que la majorité d’entre eux parte quelques années plus tard à l’étranger ?

Statistiques et tendances

Les études montrent qu’environ 47,3 % des professionnels de santé au Maroc manifestent une volonté d’émigrer, tandis que 52,68 % sont moins enclins à le faire. Concernant les étudiants en dernière année de médecine, 71,1 % envisagent l’émigration après l’obtention de leur diplôme. Ces chiffres confirment que le désir de partir n’est pas uniquement individuel, mais lié aux structures et aux conditions du système de santé.

Défis internes

Le système de santé marocain fait face à plusieurs défis : pénurie d’infirmiers et de médecins, faibles incitations financières, conditions de travail difficiles et chevauchement des prérogatives avec les médecins, ce qui augmente la pression sur les professionnels. Ces facteurs rendent difficile la rétention des compétences et l’arrêt de l’émigration sans réformes profondes.

Comparaisons internationales

L’émigration sanitaire n’est pas seulement un phénomène local. En Allemagne, les médecins étrangers représentent environ 14 % de la main-d’œuvre du secteur de la santé, soit environ 64 000 médecins en 2023, contre 30 000 en 2013. Au Canada, les migrants constituent environ 25 % du personnel de santé, incluant 25 % des infirmiers inscrits et 37 % des médecins. Ces comparaisons montrent que l’émigration peut être une opportunité pour les pays d’accueil d’améliorer leur système de santé, mais représente une menace pour les pays exportateurs de compétences comme le Maroc.

Conclusions et recommandations

Les comparaisons internationales indiquent que l’émigration sanitaire n’est pas nécessairement négative, mais elle révèle la fragilité des systèmes internes si elle n’est pas accompagnée de politiques attractives pour la profession. Le Maroc doit se concentrer sur l’amélioration des conditions des infirmiers, en augmentant le nombre de postes budgétaires, en améliorant les salaires et en offrant un environnement de travail approprié, tout en renforçant la coopération avec les institutions sanitaires internationales pour l’échange d’expériences et de ressources.

Conclusion : pari sur les compétences ou poursuite de l’épuisement ?

Le problème ne se limite pas aux chiffres de l’émigration ni aux promesses d’emploi. Il pose une question plus large : l’État dispose-t-il d’une stratégie intégrée rendant la profession infirmière attractive et protégée, capable de retenir ses professionnels au sein des hôpitaux publics ?
Sans cela, le Maroc continuera à former pour le compte des autres, tandis que ses patients paieront le prix de la pénurie chronique de ressources humaines.

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