dimanche, juin 22, 2025
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Transformation du discours sportif au Maroc : quand F. Lekjaa invite la presse à un « union sacrée » sans museler la critique

Au complexe Mohammed-VI de Maâmoura, Fawzi Lekjaa a reçu les principaux médias marocains pour un échange présenté comme « transparent » à l’approche de la CAN 2025 que le Royaume s’apprête à organiser. Derrière la cordialité affichée et la formule devenue virale — « أنا ما تندخلش فخدمة الركراكي، ولكن تنقل ليه شنو تيقول الشارع » — se jouent trois enjeux stratégiques : la délimitation du pouvoir technique, la place du débat public dans la gouvernance sportive, et la quête d’un consensus national avant un rendez-vous continental à forte portée diplomatique.

1. Indépendance technique ou médiation présidentielle ?

En affirmant qu’il ne « s’immisce pas » dans le travail de Walid Regragui tout en lui transmettant le « pouls de la rue », Lekjaa tente d’instaurer un équilibre subtil : laisser le staff décider librement, mais maintenir un canal qui relaye pression populaire et attentes médiatiques. Une posture comparable à celle qu’ont connue d’autres fédérations – la FFF face à Deschamps ou la DFB avec Nagelsmann – où le président endosse le rôle de courroie de transmission plutôt que celui de décideur tactique.

Question ouverte : la FRMF dispose-t-elle d’un cadre formel — comité d’experts, reporting public — garantissant que ces « retours du terrain » soient traités méthodiquement et non au gré des perceptions présidentielles ?

2. « Union sacrée » : outil mobilisateur ou rideau de fumée ?

L’appel à l’« union sacrée » rappelle la rhétorique employée avant Qatar 2022. Or les travaux du World Bank Governance Program soulignent que la performance sportive durable s’appuie moins sur l’adhésion émotionnelle que sur la clarté des rôles et la redevabilité institutionnelle thedocs.worldbank.org.

  • Deux risques se présentent :

    1. Confondre critique légitime et « négativisme », ce qui réduirait la presse à un relais promotionnel.

    2. Transformer un concept mobilisateur en injonction implicite au silence face aux choix techniques contestés.

Question ouverte : la FRMF publiera-t-elle, comme le recommandent les standards de gouvernance de la FIFA (rapports « Governance, Audit & Compliance ») inside.fifa.com, un bilan public des performances et des décisions après chaque rassemblement ?

3. CAN 2025 : l’événement-test d’une diplomatie sportive

Le Maroc investit plus de 10 milliards € depuis 2015 dans les infrastructures du football et dans la modernisation de stades clés (Casablanca, Rabat, Tanger). Ces chiffres, vérifiés dans les notes d’étape du ministère des Finances et dans les briefings CAF, placent le Royaume sous le regard des bailleurs internationaux qui lient désormais financement d’événements et critères ESG.

Question ouverte : la stratégie de communication actuelle, centrée sur la proximité émotionnelle, est-elle suffisante pour répondre aux exigences de transparence budgétaire exigées par les partenaires (Banque mondiale, UE) ?

4. Médias sportifs : partenaire critique ou simple caisse de résonance ?

En invitant les journalistes à « échanger les casquettes », Lekjaa reconnaît à la presse un rôle de coproducteur d’idées. Pourtant, l’Inside FIFA Integrity Review 2024 rappelle que la démocratie sportive passe par la séparation claire entre analyse indépendante et gestion fédérale opensportssciencesjournal.com. Sans structures de formation continue ni plateformes de data-journalisme sportif, le débat risque de demeurer anecdotique.

Question ouverte : la FRMF envisage-t-elle, avec des partenaires comme l’UNESCO ou le Conseil supérieur de l’éducation, un programme de formation des journalistes sportifs au data-analytics pour objectiver les critiques ?

Conclusion : de la convivialité à la gouvernance mesurable

La rencontre de Maâmoura marque une inflexion : la FRMF cherche à transformer la critique populaire en ressource constructive. Pour que l’« union sacrée » ne se réduise pas à un slogan, trois leviers demeurent indispensables :

  1. Institutionnaliser la concertation : comité externe d’évaluation technique calqué sur les modèles allemands ou anglais.

  2. Publier des indicateurs de performance (sportifs, financiers, sociétaux) alignés sur les référentiels Banque mondiale/FIFA.

  3. Professionnaliser le journalisme sportif par la data, afin que la critique s’appuie sur faits et métriques, non sur impressions.

Le succès à la CAN 2025 sera alors évalué non seulement au prisme du résultat sportif, mais aussi de la capacité du foot marocain à instaurer une gouvernance transparente où le « pouls de la rue » nourrit la décision sans la dicter.

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