Un grand engouement entoure récemment les petites et moyennes entreprises (PME) au Maroc. Après l’annonce du gouvernement de débloquer un soutien annuel de 12 milliards de dirhams en leur faveur, les événements qui leur sont dédiés se sont multipliés. Le plus récent en date est le Carrefour de la TPME, organisé par la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM). Mais de nombreux petits entrepreneurs y voient une manœuvre visant à accaparer les fonds d’aide, au détriment de leurs véritables bénéficiaires.
À ce propos, Abdellah Ferkki, président de la Confédération marocaine des très petites, petites et moyennes entreprises, a souligné que la CGEM n’a commencé à s’intéresser aux PME qu’après la crise de l’entreprise « Les jeunes bâtisseurs », détenue par son président Chakib Alj l’an dernier, et pour laquelle la Confédération des PME avait joué un rôle de premier plan dans la défense des victimes.
Ferkki a critiqué le forum Carrefour de la TPME, qu’il considère comme excluant les petites entreprises : « Tous les participants représentaient de grandes entreprises ou des groupes. Est-il raisonnable qu’un intervenant affirme avoir commencé comme une petite entreprise et réaliser aujourd’hui entre 6 et 8 milliards de dirhams de chiffre d’affaires en employant 3 000 personnes ? Pour ceux qui connaissent le secteur, c’est se moquer du monde. »
Il qualifie cet engouement soudain autour des PME de « programmes de la 90e minute », qui surgissent à l’approche des élections. Le véritable enjeu, selon lui, serait l’appropriation des fonds du soutien public destinés aux PME : « Voilà les véritables sujets du dialogue entre le gouvernement et le patronat. »
Il poursuit en précisant que les discussions en cours sur les PME excluent la représentation de près de 6 millions de très petites entreprises qui ont pourtant un besoin urgent de ce soutien.
Ferkki met en garde contre le risque que ces fonds se retrouvent dans les poches des grands patrons, alors que les petites entreprises peinent toujours à rembourser leurs dettes envers la CNSS (Caisse nationale de sécurité sociale), et surtout envers la Direction générale des impôts, qui ne tient pas compte de leur situation difficile et procède à des saisies sur leurs biens.
Il ajoute que les PME perdent chaque année plus de 60 milliards de dirhams depuis 2013, notamment à cause du non-respect du quota de 20 % prévu par la loi dans les marchés publics, souvent accaparé par les grandes entreprises.
Ferkki souligne également la souffrance extrême des PME et les milliers de faillites qu’elles subissent. Il critique l’attitude de la Direction générale des impôts face à leurs doléances : « Le directeur général se moque de nous et agit comme si son institution était au-dessus de la loi. Pourquoi ne traite-t-il pas les grandes entreprises, qui doivent 67 milliards de dirhams à l’État, avec la même rigueur ? Ces dernières ne font pourtant pas l’objet de saisies. »
Il conclut : « Comment la ministre des Finances peut-elle inviter notre confédération au dialogue, alors que le directeur des impôts se permet d’être sarcastique et méprisant, comme si nous vivions dans l’opulence et cherchions à éviter nos obligations fiscales ? »
Il convient de rappeler que les petites et moyennes entreprises représentent environ 98 % du tissu entrepreneurial national, jouant un rôle crucial dans l’absorption du chômage, qui a atteint récemment des niveaux préoccupants au Maroc.