La remise sur la table, par le Parti de la Justice et du Développement (PJD), des dossiers qualifiés de « conflits d’intérêts » a relancé un débat politique d’une rare intensité. Entre l’affaire des médicaments liée à un ministre issu du Rassemblement National des Indépendants (RNI) et la polémique autour du méga-projet de dessalement de Casablanca remporté par des entreprises associées au chef du gouvernement, les accusations s’enchaînent dans un climat où se mêlent éthique publique, influence économique et gouvernance.
Mais au-delà du tumulte médiatique, une question centrale demeure :
ces affaires sont-elles réellement en mesure de redistribuer les équilibres électoraux en 2026 ?
Ou ne s’agit-il que d’un bras de fer symbolique sans impact concret sur les urnes ?
Éthique et vote : un lien souvent surestimé au Maroc
Dans une lecture relayée par plusieurs sites d’information nationaux au sujet de cette controverse, le politologue Rachid Lazrak — président du Centre d’Études et de Recherches d’Afrique du Nord — propose une grille d’analyse à contre-courant du discours ambiant. Pour lui, parier sur un impact électoral des dossiers de conflits d’intérêts relève d’une surestimation manifeste.
Selon Lazrak, l’expérience électorale marocaine montre que le comportement des électeurs ne se structure pas autour de critères moraux ou de scandales administratifs, mais autour d’une logique pragmatique fondée sur la proximité sociale, les réseaux locaux et l’accès aux services. Le vote sanction demeure marginal dans les dynamiques politiques nationales.
Pourquoi le RNI pourrait absorber le choc
Toujours dans cette perspective analytique, le politologue estime que le RNI ne devrait pas connaître de recul significatif pour plusieurs raisons :
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Un ancrage territorial solide
Le parti dispose d’un appareil local structuré, capable de mobiliser des relais sociaux et associatifs efficaces. -
Un avantage lié à l’exercice du pouvoir
Le contrôle de portefeuilles gouvernementaux permet au RNI de porter des politiques publiques à impact social, un critère décisif pour une partie importante de l’électorat.
Ainsi, même si les accusations alimentent le débat médiatique, elles n’ont pas la capacité, à elles seules, de provoquer un basculement électoral profond.
Le PJD : un discours vigoureux mais un terrain affaibli
De son côté, le Parti de la Justice et du Développement, qui mène l’offensive politique sur ces dossiers, tire indéniablement profit du bruit médiatique. Toutefois, transformer ce capital discursif en avantage électoral s’annonce difficile.
Pour Lazrak, trois facteurs limitent cette transformation :
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La fragilisation de l’appareil organisationnel depuis 2021
La sortie du gouvernement a affaibli la présence territoriale du parti. -
La perte des réseaux de médiation sociale
Ces réseaux constituaient la colonne vertébrale de sa dynamique électorale. -
L’érosion du capital symbolique et moral
La rupture avec une grande partie de l’électorat provient d’une déception politique profonde, non d’un manque de dossiers à caractère éthique.
Un bénéfice discursif… sans traduction électorale
Dès lors, les polémiques autour des médicaments ou du dessalement — aussi sensationnelles soient-elles — ne suffisent pas à reconstruire la base électorale du PJD. La crise du parti relève d’un déficit de confiance et de crédibilité plus que d’un manque de « munitions » pour l’opposition.
Comme le résume Lazrak, « le gain discursif ne se transforme pas automatiquement en gain électoral ». Dans la logique des sciences politiques marocaines contemporaines, l’indignation morale ne suffit plus à elle seule pour conquérir l’électeur, contrairement à ce qui a pu se produire lors de la décennie précédente.
