mardi, décembre 2, 2025
AccueilActualitésL’absence des associations actives révèle les limites de l’approche participative dans le...

L’absence des associations actives révèle les limites de l’approche participative dans le développement intégré

Le tumulte qui a envahi les réseaux sociaux ces derniers jours ne se réduit pas à une réaction isolée d’associations “exclues”. Il s’agit plutôt d’un symptôme d’une crise plus profonde touchant le cœur même de l’“approche participative” que les institutions publiques célèbrent à chaque mention de développement. Les communiqués successifs émanant d’associations du Rif à Laâyoune ne se contentent pas de dénoncer l’absence d’invitation : ils sonnent l’alarme sur une possible “sélection silencieuse” des acteurs impliqués.

Le contraste est saisissant : d’un côté, la Direction Générale des Collectivités Territoriales, sous l’égide du ministère de l’Intérieur, lance un débat régional autour de la nouvelle génération de programmes de développement intégré, conformément aux directives royales. De l’autre, des dizaines d’associations découvrent qu’elles sont absentes de la table des discussions, malgré le fait que la Constitution de 2011 ait consacré la démocratie participative comme pilier de la légitimité institutionnelle.

Alors, comment interpréter cette contradiction ?

La voix des associations : une colère qui dépasse l’exclusion immédiate

Les communiqués consultés par Hespress ne se limitent pas à exprimer un mécontentement pour “non-invitation”. Ils comportent un diagnostic critique de la structure même de l’action associative. Certaines associations du Rif, telles que “Amazigh Snaha du Rif”, ont exprimé leur frustration face à cette exclusion, tout en reconnaissant que le problème ne se limite pas à une absence de convocation, mais réside dans une sphère associative suspendue entre politisation et relations familiales.

Les propos du président de l’association sont frappants : “Les associations se multiplient comme des champignons ; certaines se transforment en annexes électorales, d’autres en structures familiales, déconnectées de la véritable mission citoyenne.” Ce constat dépasse la simple critique : il s’agit d’un questionnement sur la légitimité même du tissu associatif.

Si une partie des associations ne produit pas de rapports, ne réalise pas de diagnostics des besoins locaux, et ne joue pas le rôle de médiateur, comment alors justifier leur absence ?
Le problème est-il réellement l’“exclusion” ou l’échec de certaines associations à démontrer leur représentativité ?

Entre logique de l’invitation et logique de l’initiative : qui doit frapper à la porte de l’autre ?

Là encore, le professeur Abbas El Wardi propose un équilibre. Si la participation exige l’inclusion de tous, la responsabilité incombe aussi aux associations : elles doivent prendre l’initiative de se faire entendre, plutôt que d’attendre passivement une convocation. L’acteur civil devait se présenter aux administrations locales pour garantir sa présence, et non attendre une invitation éventuelle.

Cette situation met en lumière une problématique plus large :
Sommes-nous face à une approche participative de façade, où seuls les acteurs connus de l’administration sont invités ?
Ou les associations elles-mêmes n’ont-elles pas encore intégré que la Constitution les place désormais au cœur de la décision et non plus en marge ?

Consultations sous pression : temps limité ou formalité protocolaire ?

Les consultations ont débuté début novembre avec pour objectif de lancer la mise en œuvre des programmes au début de l’année prochaine. Cette contrainte temporelle soulève une question gênante :
Le temps disponible permet-il un diagnostic territorial réellement approfondi ?
Ou bien risque-t-on de reproduire les programmes “papier”, signés à la hâte et mis en œuvre lentement ?

Si les invitations sont distribuées de manière sélective, le diagnostic pourrait ne pas refléter la diversité réelle des besoins, et la vision qui guidera le développement pourrait rester uniforme et limitée.

Redéfinir le rôle de l’acteur civil ?

Cette crise révèle non seulement un déficit de communication entre administration et associations, mais aussi l’absence de critères clairs définissant qui représente réellement la société civile. Dans un pays où le nombre d’associations dépasse 200 000, la question se pose légitimement :
Qui a le droit de siéger à la table de formulation du développement ?
Le critère est-il l’efficacité, la proximité, ou la loyauté ?
Peut-on parler de “partenariat” sans restructurer le champ associatif lui-même ?

Les consultations actuelles, malgré leur importance, relancent donc un débat fondamental : celui de l’identité de la société civile au Maroc, de ses limites d’indépendance, de ses rôles effectifs et de sa capacité à contribuer au véritable changement.

Conclusion analytique

Ce qui se joue aujourd’hui n’est pas un simple différend technique autour d’invitations manquantes.
Il s’agit d’une question de légitimité, de crédibilité de la participation, et de conception même du développement.

La contradiction est claire : ces tensions surgissent à un moment où l’on promet une “nouvelle génération” de programmes de développement.
Mais cette génération ne pourra voir le jour que lorsque la confiance entre administration et société civile sera réelle, et lorsque la société civile sera une force de proposition et non un simple acteur symbolique.

Articles connexes

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

- Advertisment -spot_imgspot_imgspot_imgspot_img

Les plus lus

Recent Comments