Au cœur du débat parlementaire sur le projet de loi organique relatif à la Chambre des députés, se dessine un double dilemme : d’un côté, un texte légal ; de l’autre, une réalité électorale complexe. La Fédération de la gauche démocratique, représentée par son secrétaire général Abdesslam Aziz, estime que le projet est décevant, car il ne prend pas en compte les propositions du parti ni les mémorandums d’autres partis. Cela soulève une question essentielle : les mécanismes de consultation parlementaire sont-ils simplement formels ou constituent-ils un véritable instrument pour produire des solutions structurelles aux problèmes politiques ?
Aziz va au-delà des simples critiques formelles, affirmant que la loi n’apporte aucune réponse réelle à la crise majeure : la corruption qui affaiblit la crédibilité des institutions et provoque le désengagement des citoyens. Selon lui, la corruption est devenue le principal enjeu des élections et le principal obstacle à la construction d’institutions capables d’exercer leurs fonctions législatives et de contrôle.
Le projet de loi semble traiter la corruption comme un problème individuel pouvant être résolu en empêchant certaines personnes de se présenter ou en durcissant les sanctions, alors que la réalité est beaucoup plus complexe. La corruption est un système interconnecté nécessitant une réforme complète de toutes les étapes du processus électoral, de la supervision et du découpage à l’inscription sur les listes électorales et à l’annonce des résultats. La question se pose : une loi peut-elle à elle seule freiner un système aussi complexe sans volonté politique réelle ?
Par ailleurs, Aziz souligne que l’augmentation des sanctions seule ne suffit pas. Même si un corrupteur est empêché de se présenter, d’autres pourront manipuler le processus électoral si les mécanismes légaux le permettent. Chaque élection a connu un renforcement des sanctions, mais elles sont restées inefficaces comme moyen dissuasif.
Concernant les nouveautés liées au financement des candidats jeunes de moins de 35 ans et à la simplification de leur processus de candidature, elles apparaissent à première vue comme une opportunité pour renouveler les élites politiques et soutenir les jeunes indépendants. Mais dans la réalité, elles se heurteront au mur de la corruption enracinée et des lobbies d’intérêts : des milliers de salariés mobilisés pendant les campagnes, achat de voix, manipulation du dépouillement, falsification des procès-verbaux… Autant de pratiques qui empêchent les jeunes de produire des résultats tangibles. La question se pose donc : comment 350 000 dirhams pourraient-ils rivaliser avec les fortunes des lobbies de corruption ?
Sur le plan des droits et libertés, le projet soulève également la controverse concernant la criminalisation des doutes sur l’intégrité des élections. Selon la Fédération, cette disposition s’inscrit dans une tendance régressive des lois restreignant les libertés et rappelle les lois de l’époque de plomb, où remettre en cause le pouvoir exposait à des sanctions. La question devant l’opinion publique est : ces politiques de restriction réécrivent-elles l’histoire sous une nouvelle forme ou la société résistera-t-elle à ces pratiques ?
En conclusion, le projet de loi révèle un écart clair entre les textes légaux et la réalité de terrain. Il pose une question centrale : une loi, aussi ambitieuse soit-elle, peut-elle arrêter la corruption et restaurer la confiance dans les institutions sans volonté politique réelle et conscience collective ? Ou l’histoire continuera-t-elle à se répéter, où les visages changent mais le système reste le même ?



