Au Maroc, l’éducation demeure au cœur du débat national, non seulement comme un secteur de service, mais comme un miroir révélateur de l’état global de la société. Les déclarations du ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement préscolaire et des Sports, Saad Brada, concernant la baisse du nombre de cas d’abandon scolaire de 300 000 à 270 000 élèves, ont suscité un large débat. Ce chiffre, bien qu’en légère diminution, reste un indicateur de la fragilité du système éducatif et soulève des questions essentielles sur l’efficacité des politiques publiques et la possibilité de solutions structurelles face à un problème profondément enraciné.
Les causes de l’abandon scolaire sont multiples et interdépendantes. La pauvreté et la nécessité pour certaines familles rurales d’employer leurs enfants représentent des facteurs directs. À cela s’ajoutent le désengagement familial et le manque de sensibilisation des parents à l’importance de l’éducation.
Les programmes scolaires, selon certains chercheurs, ne suscitent pas l’intérêt des élèves et manquent de stimulation, rendant l’école moins attrayante. Sans suivi psychologique et social adéquat, l’élève devient vulnérable à la déviance et à la perte de confiance en soi, tandis que le développement humain de la société en pâtit, étant donné le lien étroit entre niveau éducatif et indicateurs de développement.
L’intervention d’une députée, critiquant avec vigueur les réformes éducatives, a mis en lumière le décalage entre l’investissement financier massif et l’impact réel sur le terrain. Selon elle, les « écoles d’excellence » et autres initiatives gouvernementales ont créé un déséquilibre entre les établissements et limité la capacité des élèves à développer l’esprit critique et l’innovation.
Cette critique met en évidence une question cruciale : comment des réformes peuvent-elles être efficaces si elles manquent de coordination entre le ministère et le Haut-Commissariat à l’éducation et à la formation, et si le Parlement et la société civile ne sont pas pleinement impliqués ?
Dans ce contexte, le ministre Brada a présenté sa vision opérationnelle pour réduire l’abandon scolaire : mise en place du transport scolaire, renforcement du rôle des internats, expansion des « écoles de la seconde chance » avec un soutien financier pour les élèves, et formation professionnelle afin de favoriser leur intégration ultérieure sur le marché du travail. L’objectif est de réduire de 50 % l’abandon scolaire au niveau du collège et d’offrir des parcours alternatifs pour les élèves en difficulté.
Pourtant, la question fondamentale demeure : ces initiatives matérielles suffiront-elles à résoudre une crise profondément ancrée dans les réalités sociales et économiques ? Les réformes superficielles peuvent-elles se transformer en un véritable parcours de renouveau, liant école et société et rétablissant la confiance entre l’élève et l’institution éducative ?
L’abandon scolaire et la réforme de l’éducation ne sont pas simplement des défis administratifs. Ils reflètent l’état de la société dans son ensemble et la capacité de l’État à articuler l’éducation avec des politiques sociales et économiques pour construire un avenir durable pour la jeunesse marocaine. Sans vision intégrée et efficacité réelle dans la mise en œuvre des réformes, le défi reste entier : serons-nous capables de redessiner l’éducation au Maroc, ou l’école continuera-t-elle à refléter les problèmes chroniques de la société ?



