jeudi, octobre 2, 2025
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« Ouzine face au ministre de la Santé au Parlement : les chiffres suffisent-ils à apaiser la colère de la rue ? »

À peine cinq jours après les protestations sanglantes menées par les jeunes de la « Génération Z », l’hémicycle du Parlement a été le théâtre d’un affrontement intense entre l’opposition et le gouvernement sur la situation sanitaire au Maroc.

Cet affrontement s’est concrétisé lors de l’intervention de Mohamed Ouzine, secrétaire général du Mouvement Populaire, qui a lancé une attaque virulente contre le ministre de la Santé et de la Protection sociale, accusant le gouvernement d’incapacité à répondre aux attentes des citoyens, et plus particulièrement des jeunes.

Mais derrière ce débat, une question plus large se pose : le Parlement n’a-t-il été qu’un espace d’exutoire pour la colère politique, ou le début d’un véritable débat public sur la crise du système de santé au Maroc ?

Ouzine… des protestations à la tribune parlementaire

Dans son discours, Ouzine ne s’est pas contenté de critiques classiques ; il a emprunté le langage de la rue, allant jusqu’à citer des extraits de chansons de rap populaires chez les jeunes : « Bladi la dramed, la sbitar la tabib ». Par ce biais, il voulait montrer que ce qui s’est passé dans la rue n’est pas un incident isolé, mais un message clair sur la profondeur de la crise sanitaire et sociale.

Ouzine a mis l’accent sur trois points essentiels :

  1. L’absence d’impact concret du budget de la santé, malgré l’allocation de 5 % du budget de l’État.

  2. La faiblesse de l’accompagnement et des mesures d’urgence, s’interrogeant : « Quelle propreté nécessite du temps ? », en référence à la mauvaise gestion des services les plus élémentaires.

  3. La fuite des médecins vers le secteur privé et l’étranger, mettant l’offre sanitaire publique dans une situation quasi déficitaire.

Ouzine s’adressait-il seulement au ministre, ou envoyait-il des messages politiques plus larges dans un contexte de tension sociale sans précédent ?

Le ministre Tehrawi… le discours de la réforme globale

De son côté, le ministre de la Santé, Amin Tehrawi, a tenté d’apaiser la colère en reconnaissant que les problèmes du secteur sont « chroniques et accumulés », tout en soulignant que le gouvernement « a engagé des réformes » via le renforcement du cadre légal, la construction de nouveaux hôpitaux, l’ouverture de facultés de médecine et de pharmacie, et l’augmentation des places de formation médicale.

Les chiffres avancés par le ministre sont impressionnants :

  • Augmentation du nombre de médecins en formation à 6414 places en 2025, contre seulement 2650 en 2019.

  • Rénovation de 1400 centres de santé, dont 945 totalement opérationnels.

  • Construction de nouveaux hôpitaux universitaires à Tanger, Agadir, Laâyoune et Rabat, offrant plus de 3 500 lits.

  • Augmentation des ressources humaines de 45 000 en 2019 à plus de 59 000 en 2025.

Mais la question centrale demeure : ces chiffres suffisent-ils à convaincre la population, qui constate que les hôpitaux restent incapables de répondre aux besoins les plus élémentaires ?

Entre promesses électorales et protestations dans la rue

Les manifestations déclenchées par la « Génération Z » n’étaient pas, comme certains discours officiels ont tenté de le présenter, de simples « élans de jeunesse », mais l’expression d’une perte de confiance dans les institutions de l’État, et en premier lieu dans le secteur de la santé. L’opposition a saisi ce message et a tenté de le traduire dans l’hémicycle parlementaire.

Mais ici se pose la question :

  • L’intervention d’Ouzine était-elle un simple escalade politique après les événements de la rue, ou une démarche responsable visant à élargir le débat public sur la réforme du secteur de la santé ?

  • Dans quelle mesure le gouvernement pourra-t-il transformer ses réalisations sur le papier et ses chiffres impressionnants en réalité tangible pour le citoyen ?

La crise de confiance… au cœur du problème

Même si le ministre a présenté des données concrètes sur les projets en cours, ce à quoi le gouvernement est confronté aujourd’hui n’est pas seulement un déficit d’infrastructures ou de ressources humaines, mais une crise de confiance. Le citoyen marocain n’accepte plus les justifications ou les discours prospectifs ; il exige des résultats immédiats, au moins en termes de propreté, d’accueil et de médicaments essentiels.

La paradoxale est que ces exigences simples ne nécessitent ni milliards ni années, mais une véritable volonté politique et une gestion rigoureuse, comme l’a souligné Ouzine lorsqu’il s’est interrogé : « Quelle propreté nécessite du temps ? »

Questions pour le débat public

La récente interpellation parlementaire n’est qu’une étape dans un long processus, mais elle ouvre la voie à des questions fondamentales :

  • Comment réformer le secteur de la santé sans le lier à une réforme plus profonde du modèle de gouvernance et de justice sociale ?

  • Les augmentations salariales et l’élargissement de la formation suffiront-ils à retenir les médecins, ou la solution nécessite-t-elle une révolution dans les conditions de travail et la reconnaissance de la dignité professionnelle ?

  • Dans quelle mesure le Parlement peut-il réellement devenir un espace de reddition de comptes sur des questions vitales, et non une simple arène d’échanges d’accusations ?

  • La voix de la rue restera-t-elle le principal moteur des réformes, ou le gouvernement pourra-t-il anticiper les crises et prendre les devants ?

Conclusion : après le Parlement

Ce qui s’est passé au Parlement entre Ouzine et Tehrawi reflète directement ce qui se passe dans la rue marocaine. La santé n’est pas seulement un secteur, elle est le miroir du respect par l’État des droits de ses citoyens. Si les chiffres présentés par le ministre ne se traduisent pas par un impact concret sur la vie des gens, la colère populaire restera susceptible d’exploser à nouveau.

La question la plus profonde à poser aujourd’hui :
Le gouvernement a-t-il le courage politique de faire de la réforme de la santé une priorité nationale réelle, ou ce chantier restera-t-il ouvert, en attendant de nouvelles protestations pour rappeler ses promesses ?

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