À peine cinq jours après l’éruption des manifestations menées par la jeunesse du « Génération Z », la question brûlante est : comment le gouvernement d’Akhannouch et les institutions marocaines gèrent-elles ce mouvement inédit ? La tension est palpable : le silence gouvernemental contraste avec la surveillance discrète du Palais royal, sans intervention directe.
Quel est le calcul de chaque acteur politique et quelles sont les attentes des jeunes manifestants ? Quelle incidence ont eu les violences ponctuelles sur la légitimité du mouvement ?
Pour débattre de ces questions, le plateau de Rabat a accueilli le Dr Abdelfattah Naoum, politologue, et Mehdi Sabaâ, militant originaire de Beni Mellal impliqué dans le mouvement Z.
1. L’analyse du Dr Abdelfattah Naoum
Lorsqu’on l’interroge sur l’absence quasi totale des ministres du gouvernement Akhannouch dans le débat public :
« À mon avis, le gouvernement d’Akhannouch porte l’entière responsabilité de cette crise. Les manifestations et les dérives qui en ont résulté sont le produit d’une gestion politique défaillante, accumulée sur plusieurs dossiers sensibles, notamment la santé et l’éducation. Ce gouvernement s’est montré incapable de tenir ses promesses et a multiplié les erreurs de gouvernance. »
Selon le Dr Naoum, le gouvernement est également « dépourvu de politique » : incapable de produire un discours crédible ou d’expliquer ses choix aux citoyens. Les déclarations maladroites de certains ministres, comme celle du ministre de la Santé invitant les citoyens à manifester à Rabat, n’ont fait qu’exacerber le mécontentement.
Il souligne que la réactivité gouvernementale est aujourd’hui insuffisante et que le seul levier de légitimité reste l’action politique structurée et la communication efficace.
2. Les attentes de la Génération Z – Intervention de Mehdi Sabaâ
Pour Mehdi Sabaâ, le constat est clair :
« La jeunesse du Génération Z estime que le gouvernement est incapable de répondre à ses revendications légitimes, que ce soit en matière de santé, d’éducation ou de justice sociale. Même le dialogue officiel lancé par le parti majoritaire n’a trouvé aucun écho. »
Il insiste sur le fait que cette génération rejette les structures classiques – partis politiques, syndicats – et ne se reconnaît pas dans les instances traditionnelles :
« Nous avons exprimé nos revendications directement, et les autorités nous craignent désormais. Ce n’est pas nous qui avons besoin d’eux ; ce sont ces institutions qui ont besoin de notre voix. »
3. Le rôle du Palais royal
Le Dr Naoum rappelle que le roi et le palais ont historiquement laissé la responsabilité des crises aux gouvernements élus :
« Les responsables directs sont les ministres et la classe politique. La monarchie ne peut pas intervenir à chaque problème ; elle veille à ce que ceux qui ont des responsabilités les assument. »
Cette position souligne une distinction claire entre gouvernance exécutive et rôle symbolique du roi : l’intervention royale reste conditionnée à l’incapacité du gouvernement à gérer la crise.
4. La jeunesse face aux structures politiques traditionnelles
Le politologue observe également un choc générationnel :
« Cette jeunesse n’a pas été entendue par les générations précédentes. Elle utilise les réseaux sociaux pour créer ses propres structures de communication et de revendication. Ces formes d’expression doivent maintenant être canalisées dans des structures politiques légitimes, sinon elles risquent d’être récupérées. »
Sabaâ abonde :
« Nous n’avons plus confiance dans les partis classiques. Ils sont vieillissants, incapables de dialogue et concentrés sur des ambitions personnelles plutôt que sur les besoins de la population. »
Cette analyse met en lumière une fracture profonde entre la jeunesse mobilisée et la classe politique traditionnelle, qui peine à renouveler ses pratiques et ses dirigeants.
5. Les enjeux pour le gouvernement
Les interventions révèlent que la crise dépasse la seule question des manifestations : elle met en cause la capacité du gouvernement à gérer l’administration publique et à communiquer efficacement avec les citoyens. L’inaction ou la maladresse peuvent transformer des protestations sociales légitimes en crises durables, altérant l’image internationale du Maroc malgré les progrès accomplis dans d’autres domaines.
Conclusion analytique
Les débats sur le plateau de Rabat soulignent un point central : le Maroc est confronté à un moment de vérité politique. La jeunesse du Génération Z, informée et structurée différemment, représente à la fois un défi et une opportunité. Le gouvernement d’Akhannouch doit comprendre que le statu quo est intenable et que la réforme réelle nécessite écoute, action et adaptation aux nouvelles formes de participation citoyenne.