À Rabat, s’est ouverte la première audience du procès des premiers détenus issus des manifestations de la « Génération Z ». Trois jeunes étaient appelés à comparaître : deux garçons et une jeune femme en situation d’handicap mental, vivant dans la rue. Les accusations sont lourdes : « participation à un attroupement armé », « rébellion », et pour la jeune femme, « offense aux symboles du Royaume ». Une grille d’inculpation qui soulève d’emblée une interrogation : comment justifier, sur le plan humain et juridique, la poursuite d’une personne vulnérable dans un dossier à dimension politique et sociale ?
La séance a été reportée au 7 octobre. Mais l’enjeu dépasse largement ce premier procès : 16 autres jeunes seront jugés le 30 octobre, après avoir été libérés sous caution. Parallèlement, environ 134 manifestants restent en garde à vue et devraient être présentés devant le parquet. Derrière les chiffres, une dynamique : des arrestations dispersées, des interventions policières dans plusieurs villes, et un mouvement qui refuse de s’éteindre.
La « Génération Z » a en effet appelé, dès mardi soir, à de nouvelles mobilisations dans plusieurs villes du pays. La question devient dès lors incontournable : la répression judiciaire et policière est-elle une réponse suffisante, ou risque-t-elle au contraire d’attiser la colère d’une jeunesse qui ne reconnaît plus les canaux traditionnels de médiation politique ?
Car il ne s’agit pas seulement d’un contentieux judiciaire, mais d’un test de société. Une génération née avec les réseaux sociaux, façonnée par un monde numérique ouvert, se retrouve face à une réponse étatique qui reste largement sécuritaire. Ce choc de logiques met en lumière les fragilités de la gouvernance :
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Comment concilier sécurité publique et droit constitutionnel à manifester pacifiquement ?
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La voie judiciaire peut-elle contenir une contestation diffuse, sans débouché politique structuré ?
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Et quel message l’État envoie-t-il en poursuivant une jeune femme souffrant d’un handicap mental dans une affaire de contestation sociale ?
Ces procès dépassent désormais le cadre national : ils deviennent un sujet d’attention médiatique et de suivi par les ONG de défense des droits humains. Dans un contexte global où chaque image, chaque témoignage circule instantanément, le Maroc se retrouve observé, scruté, évalué.
Le 7 octobre et le 30 octobre ne seront donc pas de simples échéances judiciaires. Ils constitueront des baromètres :
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de la capacité de la « Génération Z » à maintenir son élan,
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de la faculté de l’État à gérer cette nouvelle contestation sans tomber dans l’escalade,
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et de l’image que le pays projette à l’international.
Sommes-nous face à l’émergence d’un nouveau chapitre dans les relations entre l’État et sa jeunesse ?
Ou ne s’agit-il que d’une tempête passagère, appelée à s’essouffler ?
L’avenir proche, dans les rues comme dans les tribunaux, apportera des éléments de réponse.