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Les protestations de la jeunesse marocaine : entre colère numérique et expression de la Génération Z dans la rue

Les grandes villes marocaines – Casablanca, Rabat, Tanger, Meknès ou Marrakech – ont connu les 27 et 28 septembre des mouvements de jeunes, appelés via des plateformes numériques, pour réclamer une amélioration de l’enseignement public, des services de santé et des solutions face au chômage endémique.

Bien que les organisateurs aient insisté sur le caractère pacifique des manifestations, les forces de l’ordre sont rapidement intervenues pour disperser les attroupements, encercler les places centrales et arrêter plusieurs participants, parmi lesquels le jeune avocat Mehdaoui Farouk, membre du bureau politique de la Fédération de la gauche démocratique, interpellé devant le Parlement à Rabat.

Du virtuel à la rue : la voix de la Génération Z

Particularité de ce mouvement : il n’est pas né des partis ou des syndicats, mais d’un collectif numérique émergent baptisé “Moroccan Youth Voice / GENZ212”, lancé quelques jours auparavant sur l’application Discord et qui a rapidement attiré des milliers de jeunes.

 

Nous sommes ici face à la Génération Z marocaine, c’est-à-dire les jeunes nés approximativement entre le milieu des années 1990 et le début des années 2010, qui représentent une force démographique estimée à 8,2 millions de personnes. Une génération façonnée par la numérisation et la mondialisation, pour qui le smartphone et les réseaux sociaux ne sont pas des outils mais un véritable espace identitaire.

Selon une étude récente, 43% des jeunes Marocains âgés de 18 à 29 ans passent entre 3 et 5 heures par jour sur les réseaux sociaux. Cette donnée explique pourquoi la mobilisation virtuelle est massive et rapide, mais ne se traduit pas toujours par une forte présence dans la rue : le décalage entre l’agitation numérique et la réalité des manifestations est l’expression d’un mode d’action nouveau, encore en gestation.

Des revendications de dignité

Les slogans et les messages portés par ces jeunes ne relèvent pas d’un agenda politique partisan, mais touchent à des droits fondamentaux :

  • Éducation : baisse de la qualité, clientélisme et corruption dans certaines universités, vente de diplômes, avenir incertain après l’obtention du diplôme.

  • Santé : hôpitaux décrits comme « catastrophiques », pénurie chronique de médecins, équipements obsolètes, délais interminables pour les opérations chirurgicales.

Ces revendications ne sont pas techniques : elles traduisent la conviction d’une génération que l’éducation, la santé et l’emploi sont des droits naturels, et que leur absence équivaut à une atteinte directe à la dignité.

Le gouvernement face à une génération méfiante

Le gouvernement met en avant l’exécution d’une grande partie de son programme : généralisation de la couverture sociale, investissements accrus dans l’éducation. Mais cette communication se heurte à un mur : une génération qui ne croit ni aux chiffres officiels ni aux récits institutionnels.

Pour elle, les statistiques ne suffisent pas : l’échec est tangible quand l’hôpital ne soigne pas, quand le diplôme n’ouvre aucune perspective, et quand l’emploi reste inaccessible.

La Génération Z : un acteur social inédit

L’analyse des comportements de cette génération montre une rupture avec les logiques traditionnelles :

  • Faible confiance dans les médiations classiques (partis, syndicats).

  • Mobilisation numérique plus forte que l’organisation sur le terrain.

  • Recherche de liberté, de dignité et de participation réelle aux décisions.

  • Forte sensibilité aux inégalités sociales et territoriales.

Questions ouvertes

  • Ce mouvement restera-t-il cantonné à l’espace du « mécontentement numérique » ou évoluera-t-il vers une force sociale structurée, difficile à contenir ?

  • Comment l’État pourra-t-il gérer une génération qui possède des outils de mobilisation hors de portée des mécanismes de contrôle traditionnels ?

  • Les partis politiques sauront-ils renouveler leur langage et leur offre pour dialoguer avec cette génération, ou verront-ils la fracture s’élargir ?

Conclusion

Les événements des 27 et 28 septembre ne sont pas de simples manifestations isolées, mais un signal précurseur du réveil d’une génération nouvelle. La Génération Z ne se contente plus de la colère virtuelle ; elle cherche désormais à transformer ses frustrations en revendications concrètes dans l’espace public.

Le message est clair : soit l’État prend au sérieux ces aspirations, soit l’écart entre le virtuel et le réel risque de se transformer en un mouvement social d’ampleur, plus difficile à canaliser par les moyens traditionnels.

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