À l’heure où les enjeux économiques et sociaux dominent largement le débat public, Mohamed Ouzzine, secrétaire général du Mouvement Populaire, a choisi une autre voie pour attaquer le gouvernement : l’identité. Lors d’un colloque scientifique organisé à Rabat, il a lâché une formule percutante :
« Pas d’avenir pour la question identitaire avec un gouvernement sans identité ».
Une déclaration qui interpelle : simple provocation politique ou repositionnement stratégique autour d’un thème fondateur ?
La mosaïque de l’identité marocaine : une richesse encore en friche
Ouzzine a dressé le portrait d’une identité marocaine comme une mosaïque harmonieuse, où s’entrelacent des affluents africain, hassani et hébraïque. Selon lui, cette diversité n’est pas un luxe académique, mais un capital stratégique qui devrait devenir un levier du projet national.
Il a rappelé la place ancrée de l’héritage hébraïque, vieux de plus de vingt siècles, visible dans la musique andalouse, le malhoun, le gharnati, mais aussi dans l’art culinaire, la couture et l’artisanat.
Il a également souligné l’ancrage africain du Maroc, consolidé par la diplomatie du roi Mohammed VI, ainsi que l’importance du référentiel hassani, enraciné dans le Sahara marocain et incarné par une poésie et des traditions vivantes.
Une critique directe du gouvernement : l’absence de vision
Malgré cette richesse civilisationnelle, Ouzzine estime que la diversité n’a pas encore trouvé sa place dans les politiques publiques. En pointant du doigt « un gouvernement sans identité », il ne fait pas seulement un constat culturel, mais lance une attaque politique : comment concevoir un projet national sans une vision claire de l’identité dans l’éducation, les médias et la culture ?
Entre les lignes : des messages codés
Le discours d’Ouzzine dépasse le champ académique et porte plusieurs signaux :
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Pourquoi insister sur l’héritage hébraïque précisément maintenant ? Est-ce une manière de s’adresser à certaines élites et à la diaspora juive marocaine ?
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Pourquoi le volet amazigh, pourtant central dans le débat identitaire, reste-t-il en retrait dans ce discours ? Est-ce une omission volontaire pour éviter des tensions politiques ?
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L’expression « gouvernement sans identité » désigne-t-elle un vide culturel et symbolique, ou n’est-elle qu’un slogan destiné à ébranler le camp d’Akhannouch dans un contexte tendu ?
L’avenir en question : l’identité comme arme politique ?
Le propos d’Ouzzine ouvre une interrogation majeure : l’identité peut-elle devenir un instrument de confrontation politique, rivalisant avec les thèmes de l’économie ou de la justice sociale ? Ou bien existe-t-il un risque de voir la « politisation de l’identité » nourrir les divisions au lieu de renforcer l’unité ?
Conclusion
En mettant l’identité au centre du jeu, Ouzzine semble chercher à repositionner le Mouvement Populaire comme acteur clé du débat national. Mais le véritable enjeu ne réside pas dans la force des slogans, plutôt dans la capacité des acteurs à transformer ce patrimoine pluriel en politiques concrètes. La question reste entière : l’identité restera-t-elle une carte électorale, ou deviendra-t-elle enfin un pilier effectif du projet sociétal marocain ?