jeudi, octobre 2, 2025
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Reconnaissance de l’État palestinien : geste symbolique ou tournant stratégique ?

Dans une scène qualifiée d’historique, la France, la Belgique, le Luxembourg, Malte, Monaco et Andorre ont annoncé leur reconnaissance officielle de l’État de Palestine, au lendemain de décisions similaires du Royaume-Uni, du Canada, de l’Australie et du Portugal. Cette vague coordonnée de reconnaissances, intervenue lors de la conférence sur la « solution à deux États » à l’ONU à New York, a remis la question palestinienne au cœur du débat international.

Mais entre les applaudissements entendus dans l’hémicycle onusien et le sang versé depuis près de deux ans dans la bande de Gaza, une question s’impose : cette reconnaissance peut-elle réellement changer la donne, ou n’est-elle qu’un baume destiné à soulager la conscience occidentale face aux images de massacres ?

Une reconnaissance sans leviers de pression

Le président Emmanuel Macron a affirmé que la France ne pouvait plus différer ce geste, tout en dénonçant l’échec collectif à instaurer une paix juste. Mais aucun signal concret n’a été donné en termes de sanctions, de conditionnalités économiques ou de pression diplomatique sur Israël. Quelle valeur a cette reconnaissance si elle ne s’accompagne d’aucun mécanisme contraignant ?

Le geste comme calmant pour les opinions publiques

Ces initiatives traduisent également une réponse aux mobilisations populaires. En Europe, des mairies ont hissé le drapeau palestinien, et des manifestations massives dénoncent le « génocide » à Gaza. On peut alors se demander si ce geste vise avant tout à apaiser les colères internes plutôt qu’à bouleverser l’équilibre stratégique au Proche-Orient.

Une Palestine fragmentée, une unité absente

Les capitales européennes insistent sur le rôle exclusif de l’Autorité palestinienne, excluant de facto le Hamas de toute perspective étatique. Mais peut-on bâtir un État sur une terre divisée et assiégée ? N’assistons-nous pas à la construction d’une entité sur mesure, conforme aux attentes occidentales, mais éloignée des réalités locales ?

Israël en posture offensive

Le rejet israélien fut immédiat : « Pas d’État palestinien », a martelé Benjamin Netanyahou, tandis que des ministres réclamaient l’annexion totale de la Cisjordanie. Ce durcissement illustre les limites d’un geste européen non suivi d’actions concrètes. Loin d’infléchir la position israélienne, la reconnaissance pourrait paradoxalement nourrir davantage d’intransigeance.

L’Europe entre marginalisation et quête de rôle

Cette séquence révèle aussi une volonté européenne de peser à nouveau dans le dossier, face à une hégémonie américaine persistante. Mais l’absence de Washington et de Tel-Aviv lors de la conférence souligne la portée limitée de cette démarche. L’Europe veut exister diplomatiquement, mais reste tributaire du veto américain.

Risque de devenir un alibi politique

Le danger est clair : une reconnaissance sans pouvoir réel pourrait entériner une situation absurde — un État reconnu, mais sans souveraineté, sans frontières, sans ressources. Une reconnaissance qui se transformerait en caution politique au statu quo, au lieu de représenter une avancée vers la justice.

Quelles étapes pour dépasser le symbolique ?

Pour ne pas rester lettre morte, cette reconnaissance doit s’accompagner :

  • de sanctions économiques ciblées contre la colonisation,

  • de pressions diplomatiques réelles via des rappels d’ambassadeurs et une baisse du niveau des relations,

  • de soutien aux juridictions internationales pour juger les crimes de guerre,

  • de financement structurant pour les institutions palestiniennes,

  • de protection du tissu associatif palestinien,

  • et d’un large front multilatéral redonnant sens au droit international.

Conclusion

Reconnaître la Palestine est un premier pas, nécessaire mais insuffisant. Sans mesures concrètes, ce geste risque de n’être qu’un symbole creux. L’histoire jugera si cette reconnaissance ouvre réellement un chemin vers un État viable, ou si elle restera un chapitre protocolaire dans les archives de l’ONU.

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