Les réseaux sociaux, tout comme les médias, se sont transformés en une véritable arène de confrontation entre l’ancien chef du gouvernement, Saâd Eddine El Othmani, et son successeur, Aziz Akhannouch. Le premier n’a pas hésité à accuser le second de « déni » et de « fuite des responsabilités », en réaction aux déclarations du chef du gouvernement actuel le 10 septembre 2025.
El Othmani n’a pas choisi la voie d’une simple réponse ponctuelle. Il a publié un long post sur sa page Facebook officielle, chargé d’accusations explicites et implicites, oscillant entre « déni », « appropriation » et « désengagement » pour qualifier l’attitude d’Akhannouch à l’égard des bilans des gouvernements précédents.
Un ton inédit
Se plaçant en défenseur non seulement de son expérience gouvernementale, mais aussi de l’héritage du Parti de la Justice et du Développement (PJD), El Othmani a accusé Akhannouch de pratiquer une politique d’« accusations gratuites » et de « mépris délibéré des réalisations », allant jusqu’à en attribuer certaines à l’actuel gouvernement, notamment le projet de protection sociale et celui du soutien direct, dont il affirme que les fondements ont été posés sous ses mandats.
Il est allé plus loin encore en qualifiant les récentes déclarations d’Akhannouch, lors d’une interview (10 septembre 2025), de « données erronées » et de « chiffres contradictoires » par rapport à ceux publiés par des institutions constitutionnelles, ce qui met en cause la crédibilité du discours gouvernemental.
La bataille de la supervision politique
Un des points les plus sensibles soulevés par El Othmani concerne la supervision politique du chef du gouvernement sur les élections depuis la Constitution de 2011. Il a rappelé avoir lui-même présidé la réunion du 5 mars 2020 avec les partis politiques, en préparation des élections de 2021, affirmant que cette expérience avait été fructueuse, avant de lancer une pique directe à Akhannouch :
« Peut-être qu’il entend par échec l’impossibilité de faire passer ce quotient électoral étrange que j’avais fermement rejeté. »
El Othmani n’a pas manqué de souligner que l’adoption de ce quotient – basé sur le nombre d’inscrits – avait « défiguré le processus électoral », qualifiant son adoption par le gouvernement d’« un succès déformé ». Une déclaration qui ravive la plaie de 2021, lorsque son parti avait subi une défaite cuisante, au milieu d’une large controverse sur l’intégrité des nouvelles règles électorales.
Dossiers sensibles… et fuite en avant ?
Le post d’El Othmani ne s’est pas limité à défendre le passé. Il a aussi attaqué le présent, accusant Akhannouch de se dérober à ses responsabilités sur des dossiers cruciaux : l’eau, la couverture sanitaire, et la charte de l’investissement. À ses yeux, le chef du gouvernement actuel persiste dans une stratégie de « rejet de la faute », comme si les exécutifs précédents l’avaient paralysé pendant quatre ans, l’empêchant de mettre en œuvre ses propres promesses électorales.
Une lecture plus profonde : entre personnel et institutionnel
Cette passe d’armes soulève des interrogations dépassant le cadre d’une simple rivalité personnelle entre deux hommes qui se sont succédé à la tête du gouvernement :
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S’agit-il d’un conflit politique normal, révélateur de visions divergentes, ou d’une tentative de règlement de comptes différé depuis les élections de 2021 ?
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Dans quelle mesure ce duel sert-il réellement le débat public, s’il se réduit à un échange d’accusations plutôt qu’à une confrontation de solutions et d’alternatives ?
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Quel impact cette confrontation a-t-elle sur l’image des institutions ? Si un ancien chef du gouvernement accuse son successeur de falsifier les faits, comment les citoyens peuvent-ils accorder leur confiance aux chiffres officiels et au discours gouvernemental ?
Conclusion
Le post d’El Othmani n’est pas une simple réaction à des déclarations médiatiques. C’est une annonce de confrontation ouverte qui pourrait redessiner le paysage politique post-2021. La question demeure : assistons-nous à une pratique démocratique saine qui enrichit la scène nationale, ou bien à une reproduction de la crise de confiance entre citoyens et politique, alimentée par la logique du « déni » et du « désengagement » ?
Ce bras de fer entre deux figures politiques majeures ne se limite pas à un simple échange de reproches. Il affecte la confiance de l’opinion publique dans l’ensemble du discours politique :
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Si un ancien chef du gouvernement accuse son successeur de nier les faits, comment les citoyens peuvent-ils croire aux chiffres publiés ?
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Et si l’actuel chef du gouvernement rejette toutes les défaillances sur ses prédécesseurs, où commence sa propre responsabilité après quatre ans au pouvoir ?
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Cela ne révèle-t-il pas une crise plus profonde de gouvernance politique, où la logique de continuité institutionnelle cède la place à celle du « règlement de comptes » ?