jeudi, octobre 2, 2025
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Université marocaine : réforme ou appauvrissement du savoir ?

L’annonce récente de l’intention du ministère de l’Enseignement supérieur de supprimer les mémoires de licence et de master, pour les remplacer par des stages au sein des institutions publiques, a suscité un vif débat. La mesure, si elle se confirme, touche au cœur de la fonction universitaire et soulève une question fondamentale : l’université marocaine est-elle en train de se transformer en simple centre de formation professionnelle accélérée, ou demeure-t-elle fidèle à sa vocation première, celle de produire du savoir et de nourrir l’esprit critique ?

Les justifications officielles et les zones d’ombre

Selon le ministère, cette orientation vise à rapprocher davantage la formation universitaire du marché de l’emploi et à alléger la charge des enseignants, souvent débordés par le nombre croissant d’étudiants. Mais une interrogation persiste : la substitution d’un travail de recherche par un stage administratif peut-elle, à elle seule, résoudre la crise structurelle que traverse l’enseignement supérieur ?

Recherche et stage : un équilibre introuvable ?

Le stage pratique est, certes, une valeur ajoutée dans les disciplines appliquées comme la médecine, l’ingénierie ou les sciences exactes. Cependant, sa généralisation à l’ensemble des filières pose problème, notamment dans les sciences humaines, sociales ou juridiques, où la recherche constitue l’essence même de la formation. Supprimer le mémoire dans ces domaines reviendrait à vider le cursus de sa substance académique, en réduisant l’université à un lieu de transmission de compétences techniques limitées.

Les voix du terrain

De nombreux universitaires soulignent que le problème ne réside pas dans l’existence des mémoires, mais dans l’absence de moyens pour les encadrer sérieusement. Rédiger un mémoire, même modeste, permet à l’étudiant de franchir une étape décisive : apprendre à chercher, à interroger des sources, à structurer une argumentation. Des aptitudes qu’aucun stage dans une administration ne peut remplacer. À l’inverse, d’autres relèvent que ces travaux ont souvent perdu leur crédibilité : copiés-collés, plagiés ou achetés, ils se réduisent parfois à une formalité vidée de sens.

Ce qu’enseignent les expériences internationales

À l’étranger, les grandes universités n’ont pas abandonné le mémoire : elles l’ont réformé. En France, le mémoire de master demeure indispensable pour accéder au doctorat. Dans le modèle anglo-saxon, on combine travaux de recherche plus courts et immersion professionnelle. L’enjeu n’est pas l’abandon mais la modernisation : faire en sorte que la recherche soit plus connectée aux problématiques sociales et économiques.

Au-delà de la réforme annoncée

Le vrai débat ne se limite donc pas au dilemme « mémoire ou stage ». Il porte sur la finalité de l’université marocaine : voulons-nous en faire une machine à produire des diplômés opérationnels pour l’administration, ou un laboratoire de savoir et d’innovation, capable d’éclairer les politiques publiques et de nourrir un développement basé sur la connaissance ?

Une conclusion ouverte

L’avenir de l’université marocaine ne saurait se réduire à une suppression ni à une substitution. Il exige une vision globale : investir dans la recherche, renforcer l’encadrement pédagogique, créer de véritables passerelles entre le monde académique et le marché du travail. Une réforme durable ne consiste pas à démolir, mais à reconstruire et à améliorer.

La question reste entière : s’agit-il d’une réforme courageuse destinée à rehausser le niveau de l’université, ou d’une solution technique et rapide, qui risque de masquer — sans les résoudre — les fragilités profondes du système ?

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