Un moment révélateur dans la bataille de l’influence régionale
Le dernier sommet de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) a été marqué par un événement hautement symbolique : la tentative de l’Afrique du Sud d’insérer une nouvelle clause de soutien au Front Polisario dans la déclaration finale a échoué, grâce à l’intervention de plusieurs pays africains amis du Maroc. Il ne s’agissait pas d’un simple débat protocolaire, mais d’un moment charnière révélateur de profondes mutations dans les rapports de force sur le continent, traduisant l’isolement croissant du discours séparatiste face à l’ascension de la vision marocaine, désormais soutenue par un nombre grandissant de regroupements régionaux.
Cet épisode, en apparence anecdotique, porte en réalité des implications majeures, non seulement pour l’avenir de la question du Sahara marocain, mais aussi pour la place du Maroc en Afrique et les limites d’une influence sud-africaine longtemps structurée par une rhétorique héritée de la guerre froide.
La SADC entre fidélité historique et nouveaux enjeux
La SADC, qui regroupe 16 pays d’Afrique australe, a longtemps servi de plateforme à Pretoria pour relayer ses positions favorables au Polisario. Cette orientation trouve ses racines dans les affinités idéologiques et historiques remontant aux années 1970 et 1980, à l’époque des luttes de libération. Malgré le soutien qu’avait alors apporté le Maroc aux pays d’Afrique australe contre le colonialisme, il n’a jamais obtenu en retour un appui équitable sur la question de son intégrité territoriale.
L’Afrique du Sud, se considérant comme « héritière » de cet héritage révolutionnaire, a cherché durant des décennies à transformer la SADC en bastion arrière du Polisario. Mais les transformations politiques et économiques de la région ont progressivement érodé ce monopole. Aujourd’hui, plusieurs États d’Afrique australe voient en le Maroc un partenaire stratégique dans des domaines variés : commerce, agriculture, sécurité alimentaire, transition énergétique, mais aussi coopération spirituelle et religieuse.
Comment les alliés ont déjoué la manœuvre de Pretoria
En coulisses, la délégation sud-africaine a tenté d’introduire une clause appelant explicitement à « renouveler le soutien de la SADC au Polisario » dans le communiqué final. Cette initiative a toutefois rencontré une opposition claire de plusieurs membres, dont la Tanzanie, la Zambie et la République démocratique du Congo, qui ont plaidé pour éviter d’instrumentaliser une enceinte dédiée au développement et à la sécurité régionale par des conflits politiques.
L’échec de ce projet illustre la perte de légitimité dont souffre le Polisario au sein de l’organisation. Désormais, les impératifs économiques et de développement amènent nombre de capitales africaines à revoir leurs anciennes fidélités. Face à cela, le Maroc propose une alternative concrète : investissements, projets stratégiques transfrontaliers, et partenariats durables.
Trois enseignements majeurs
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L’érosion du récit historique : le discours de « solidarité révolutionnaire » brandi par Pretoria n’impressionne plus une nouvelle génération de dirigeants, davantage préoccupés par le chômage, la pauvreté et les défis climatiques que par des luttes idéologiques du passé.
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L’ascension du Maroc comme acteur continental : par ses initiatives en matière d’agriculture, d’énergie et de sécurité alimentaire, le Maroc élargit son influence vers l’Afrique australe, apparaissant comme un pont vers des partenariats européens et arabes stratégiques.
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Le recul de la capacité sud-africaine à imposer son agenda : fragilisée par des crises internes (électricité, chômage, déclin compétitif), Pretoria peine à conserver son rôle de leadership régional, ouvrant l’espace à des voix africaines plus autonomes.
Le Maroc : de la défense à l’initiative
Alors que les sommets africains servaient autrefois à diffuser des positions hostiles au Maroc, la situation s’est inversée. Le Royaume n’est plus sur la défensive : il est devenu force de proposition et d’influence.
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Diplomatie économique : projets agricoles en Zambie et en Éthiopie, investissements massifs dans les engrais pour des millions d’agriculteurs africains.
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Transition énergétique : transfert de savoir-faire solaire et éolien vers de nombreux pays africains.
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Sécurité spirituelle : formation au Maroc d’imams et de guides religieux venus de divers pays africains, consolidant des liens culturels et spirituels.
L’Afrique du Sud et la crise du leadership
L’initiative avortée de Pretoria n’exprime pas seulement une fidélité idéologique, mais aussi un malaise plus profond. L’Afrique du Sud, autrefois « voix de l’Afrique » sur la scène internationale, se trouve aujourd’hui accablée par des crises intérieures : pénurie énergétique, chômage massif, perte de compétitivité. Ses tentatives de détourner l’attention en jouant la carte du Sahara marocain ressemblent plus à une fuite en avant qu’à une stratégie cohérente. Et les autres capitales africaines en sont pleinement conscientes.
Un enjeu au-delà de l’Afrique
L’épisode de la SADC s’inscrit dans un contexte international où les grandes puissances — des États-Unis à l’Union européenne, de la Chine à l’Inde — affichent un soutien croissant à l’initiative marocaine d’autonomie, reconnue comme une solution réaliste et pragmatique. Les pays africains qui ont bloqué la manœuvre de Pretoria savent qu’il serait coûteux de s’isoler de ce consensus mondial émergent. Certains espèrent même que leur rapprochement avec Rabat facilitera leur insertion dans les grands accords commerciaux continentaux, tel la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).
Conclusion : la fin d’un monopole
Le sommet a confirmé que l’époque où Pretoria imposait sans difficulté ses positions hostiles au Maroc est révolue. Le Polisario ne peut plus se prévaloir du discours de « solidarité africaine » comme paravent à son projet séparatiste.
Grâce à sa diplomatie active et à son réseau d’alliés, le Maroc réussit à neutraliser des enceintes jadis considérées comme des bastions imprenables de l’idéologie séparatiste. Chaque sommet confirme davantage que le projet d’unité territoriale du Royaume gagne en résonance, tandis que l’appui au Polisario s’effrite.
Une bataille d’avenir
L’épisode de la SADC n’est qu’une étape d’une lutte prolongée. Mais son message est clair : le Maroc n’est plus isolé. Il est entouré d’alliés partageant sa vision de l’avenir du continent. Parallèlement, l’Afrique du Sud recule dans son rôle de leader incontesté.
C’est un tournant : les équilibres se redessinent en Afrique, et le Maroc, par sa stratégie fondée sur la coopération économique et sécuritaire, s’impose comme un acteur continental de premier plan, tandis que les séparatistes s’enfoncent dans l’isolement.



