« Les habitants ont exprimé, dans des déclarations à l’Association, leur mécontentement face à ce qu’ils qualifient de manque de transparence, en formulant des accusations contre certains agents d’autorité, soupçonnés d’être impliqués dans des pratiques clientélistes. Des accusations qui n’ont pas été officiellement confirmées. »
Dans une scène reflétant la profondeur du malaise social croissant à Kénitra, des dizaines d’habitants des quartiers populaires marginalisés s’apprêtent à organiser un sit-in devant la direction provinciale du logement et de l’urbanisme, le lundi 4 août 2025 au matin, à l’appel de l’Association marocaine pour la citoyenneté et les droits humains, qui qualifie cette mobilisation de « protestation d’alerte » face à ce qu’elle considère comme une « injustice persistante et une exclusion systématique » dans la répartition des programmes de relogement.
Cette protestation s’inscrit dans le contexte d’un cumul de plaintes émanant des habitants de quartiers tels que Aïn Sebaâ, El Mkhalif, Somalia, El Hufra, El Hnacha, Oulad Moussa, Beni Meskine, Essania et Bir Rami. Ces derniers se considèrent comme victimes de politiques opaques dans la gestion des projets de relogement, au milieu d’accusations de corruption et de clientélisme affectant les listes de bénéficiaires.
« Nous l’avons répété à maintes reprises : certains noms bénéficient plusieurs fois, alors que d’autres, pourtant dans des conditions précaires, sont ignorés », déclare Fatima, veuve et mère de quatre enfants vivant à El Hnacha, ajoutant d’un ton bouleversé : « Le problème ne se limite pas au logement, c’est notre dignité qu’on piétine chaque jour. »
Dans son communiqué, l’Association appelle à l’application effective des orientations du discours royal prononcé à l’occasion de la Fête du Trône, qui insiste sur la nécessité de rendre justice aux catégories pauvres et de réduire les disparités territoriales. Toutefois, selon des témoignages locaux, certaines personnes ayant revendiqué leur droit au logement auraient été convoquées par les autorités après ce discours, une réaction qualifiée par l’Association d’« acte de représailles » en contradiction avec l’esprit de la Constitution marocaine et les engagements internationaux du Royaume.
Appel à une enquête et à la reddition des comptes
Le communiqué ne se limite pas à la dénonciation, mais réclame l’ouverture immédiate d’une enquête indépendante sur ce qu’il décrit comme des « allégations de corruption et d’exclusion sélective ». Le doigt est pointé vers « certains agents d’autorité » que les habitants considèrent comme des obstacles majeurs à une répartition équitable du logement, soit par favoritisme, soit par demandes de pots-de-vin, selon des témoignages récurrents recueillis sur le terrain.
« Nous ne demandons pas la charité, nous voulons seulement la justice. Ceux qui nous ont privés de notre droit doivent être tenus responsables », affirme Abdelaziz, un travailleur journalier du quartier Oulad Moussa.
L’Association appelle également au respect des droits constitutionnels des manifestants, en particulier la liberté d’expression et le droit à la manifestation pacifique, en insistant sur l’application des articles 19 et 29 de la Constitution marocaine ainsi que de l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui garantit le droit à un logement décent.
Soutien juridique et lutte pacifique
L’Association conclut son communiqué en réaffirmant son engagement aux côtés des personnes lésées, en leur apportant un soutien juridique et en accompagnant leur lutte pacifique pour « arracher le droit légitime à un logement digne ».
« La dignité ne se donne pas, elle se conquiert par une lutte pacifique et responsable », déclare Idriss Sdraoui, président de l’Association. Un message dont l’écho résonne aujourd’hui dans les ruelles des quartiers oubliés de Kénitra, où les citoyens continuent à se poser une question douloureuse : qui bénéficie ? qui est exclu ? et pourquoi ?
Recommandation aux autorités :
Au-delà des slogans, l’urgence est à l’ouverture de canaux de dialogue réels avec les populations concernées, à la mise en place de commissions indépendantes pour revoir les listes des bénéficiaires des programmes de logement, et à l’implication des représentants des habitants et de la société civile afin de garantir la transparence et la crédibilité.
La confiance des citoyens dans les institutions se construit sur le terrain… pas derrière des bureaux fermés.