Dans un changement démographique et culturel sans précédent, le phénomène du retour inverse des Juifs marocains d’Israël au Maroc suscite de vives interrogations dans les cercles politiques, culturels et médiatiques.
Ce qui n’était autrefois que des cas isolés devient aujourd’hui, selon une enquête publiée par le quotidien hébreu « Yediot Aharonot », un « retour collectif doux » des Juifs marocains vers leur pays d’origine.
Entre Rabat et Tel-Aviv… itinéraires d’un retour
Les protagonistes de cette nouvelle vague ne sont pas les premiers migrants, mais les enfants et petits-enfants des Juifs marocains nés en Israël.
Neta Hazan, l’une d’elles, a confié au journal qu’elle avait ressenti « une immense joie en recevant sa carte d’identité marocaine à Rabat », qualifiant ce moment de « rêve personnel devenu réalité ».
Hen Almalih, résidant actuellement à Casablanca, a qualifié son retour de « retour à soi-même ». D’autres artistes, universitaires et entrepreneurs s’installent entre Marrakech, Fès et Rabat, de manière permanente ou en mode de vie partagé entre les deux pays.
Des raisons multiples : entre nostalgie et exclusion
Ce retour n’est pas qu’un élan sentimental vers la mémoire, mais aussi une réaction à un sentiment d’exclusion sociale et culturelle en Israël, notamment dans les villes de développement où furent dirigés les Juifs d’Afrique du Nord.
Beaucoup de membres des générations suivantes estiment que l’État israélien ne les a jamais pleinement intégrés.
La crise politique et économique en Israël, ainsi que la guerre de Gaza et l’escalade régionale, ont aussi joué un rôle dans cette migration inverse.
Le Maroc, lui, est perçu comme un refuge culturel sûr, avec une société tolérante et une tradition de cohabitation multiculturelle.
La nostalgie culturelle : enseigner le darija en Israël
Le Dr Yona Elfassi, anthropologue originaire de Fès, mène un projet d’enseignement du darija à Tel-Aviv. Il estime que « l’engouement croissant reflète une volonté profonde de réparer les erreurs du passé ». La culture marocaine séduit aujourd’hui en Israël à travers la langue, la musique, la gastronomie…
Obstacles juridiques et craintes sociales
Malgré l’enthousiasme, les procédures administratives pour retrouver la nationalité marocaine se sont durcies après des abus de la part de criminels israéliens. Certains migrants ont également rencontré des attitudes hostiles en raison de leur passeport israélien, dans un contexte de rejet du processus de normalisation par une partie de l’opinion publique marocaine.
L’artiste israélien Funny Berts, installé à Marrakech, a évoqué des tensions dues à ses positions politiques, notamment le refus de collaboration de certains artistes marocains, ou encore le drapeau palestinien collé sur sa voiture après un spectacle.
Entre identité et politique : les vraies questions
Sommes-nous face à une réconciliation historique entre les Juifs marocains et leur terre natale ? Ou bien ce retour reste-t-il conditionné par des équilibres politiques complexes ? Le Maroc deviendrait-il une alternative culturelle pour les Séfarades à la recherche d’une nouvelle ancre ?
Conclusion : un pays retrouvé ou redécouvert ?
Le retour des Juifs marocains d’Israël au Maroc n’est pas une simple migration géographique, mais un acte symbolique fort. À une époque où les identités sont fragmentées et les appartenances mouvantes, ces retours réécrivent une relation ancienne entre mémoire et avenir.