samedi, juin 21, 2025
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Le Maroc face à un tournant dans l’économie sociale et solidaire : avancée réelle ou simple discours politique ?

La cinquième édition des Assises nationales de l’économie sociale et solidaire (ESS), tenue les 17 et 18 juin à l’Université Mohammed VI Polytechnique, s’est conclue par l’adoption de 27 recommandations ambitieuses. Parmi elles : l’adoption rapide d’un cadre législatif rénové, la création d’un observatoire national dédié, ou encore la simplification des procédures administratives. Mais au-delà des intentions affichées, une question cruciale s’impose : assistons-nous réellement à une refondation stratégique du secteur, ou s’agit-il d’une répétition des promesses déjà formulées, restées lettre morte ?

Un secteur marginalisé malgré son potentiel stratégique

Bien que l’ESS soit régulièrement évoquée comme levier de développement, sa contribution au PIB marocain reste modeste, estimée entre 2 et 3 %, selon les données de la Banque mondiale. Un chiffre qui contraste fortement avec celui de pays comme la France ou le Canada, où le secteur dépasse les 10 %. Cette faiblesse s’explique notamment par l’absence d’un cadre institutionnel clair, la multiplicité des intervenants publics et un manque d’harmonisation des politiques.

La promesse d’un Observatoire national : outil utile ou institution de plus ?

La création d’un Observatoire national de l’ESS figure parmi les recommandations phares. Toutefois, le Maroc souffre d’un empilement institutionnel, où plusieurs observatoires existent sans véritable impact sur les politiques publiques. L’expérience du Conseil supérieur de l’éducation en témoigne : bien que doté de son propre observatoire depuis 2015, son influence sur les choix ministériels reste limitée.

Le futur observatoire de l’ESS risque-t-il de connaître le même sort ? Aura-t-il un rôle consultatif ou contraignant ? Ces questions restent, pour l’heure, sans réponse.

Des réformes structurelles ou des ajustements cosmétiques ?

Les appels à la simplification administrative et à l’accès facilité au financement sont récurrents depuis plusieurs années. Mais aucune réforme sérieuse du système fiscal ou des modalités d’accompagnement financier n’a été engagée. Or, selon les rapports de l’UNESCO et de la Banque mondiale, ces blocages constituent les freins majeurs à l’expansion de l’ESS dans les pays du Sud.

La formation et le capital humain : toujours le parent pauvre

L’un des paradoxes soulevés par les assises est l’insistance sur la valorisation du capital humain sans pour autant proposer de mesures concrètes. L’intégration de l’ESS dans le système éducatif est évoquée, mais sans la création de filières universitaires dédiées, ni de certifications reconnues. À titre de comparaison, le Canada propose depuis plus d’une décennie des formations universitaires de haut niveau dans ce domaine.

La transformation numérique du secteur : réelle ambition ou simple slogan ?

Autre point abordé : le digital. Le texte final recommande d’« accélérer la transformation numérique du secteur », sans en préciser les modalités. Pourtant, l’expérience internationale montre que la numérisation du secteur suppose des investissements ciblés, des formations spécifiques, et un accompagnement technologique des acteurs de terrain.

Territorialisation de l’ESS : discours décentralisé, volonté centralisée ?

Les recommandations appellent également à articuler le développement de l’ESS avec le chantier de la régionalisation avancée. Mais la faible implication actuelle des conseils régionaux et l’absence de stratégies territorialisées remettent en question la faisabilité de cette approche. Pourquoi les régions ne disposent-elles pas de feuilles de route claires pour soutenir l’ESS ? Pourquoi l’État ne conditionne-t-il pas certains financements à l’intégration de l’ESS dans les politiques régionales ?

Engagement gouvernemental : un changement de ton… mais pas encore de méthode

Le Secrétaire d’État chargé de l’économie sociale, Hassan Saddi, a réaffirmé l’engagement du gouvernement à faire aboutir le projet de loi-cadre et à actualiser la stratégie décennale du secteur. Il a également promis la mise en œuvre effective des accords collectifs conclus. Des annonces encourageantes, certes, mais qui restent tributaires de la mobilisation effective des ressources humaines, financières et juridiques nécessaires.

Une opportunité à ne pas manquer

Le contexte post-Covid, la montée des inégalités, et les mutations économiques mondiales imposent au Maroc d’opérer un virage stratégique. L’ESS pourrait constituer un levier de développement territorial, de justice sociale et de création d’emplois décents. Encore faut-il passer des paroles aux actes.

Conclusion

Les Assises de Benguerir auront-elles une suite concrète ? Le Maroc est-il prêt à transformer son économie sociale et solidaire en véritable pilier de son modèle de développement ? Ou faudra-t-il attendre une sixième édition pour relancer les mêmes débats ?

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