lundi, juin 23, 2025
AccueilActualitésLe pouvoir et la symbolique dans la scène du sacrifice : doit-on...

Le pouvoir et la symbolique dans la scène du sacrifice : doit-on juger un homme d’État sur ses intentions ou sur ses images ?

À un moment qui a semblé éphémère à certains, mais chargé de significations, Farid Chourak, Wali de la région Marrakech-Safi, s’est vu révoqué de ses fonctions et convoqué aux services centraux du ministère de l’Intérieur. Alors que l’opinion publique diffusait une vidéo le montrant en train de sacrifier un mouton de l’Aïd « au nom des habitants de la région », une vague de débats contrastés a éclaté sur la signification de cette scène, la rapidité de la décision prise, son timing, et sur la question de savoir si nous assistons à une transformation dans la gestion du pouvoir et de la responsabilité au Maroc.

Mais derrière cette décision administrative se cachent des questions plus profondes : le Maroc est-il devenu sérieux dans l’application du principe de responsabilité et de reddition des comptes, au-delà des slogans des occasions festives ? Assistons-nous à une mutation qualitative dans la discipline éthique des hommes du pouvoir, dans un contexte national et international où la pression sur les gouvernements pour prouver l’intégrité de la gestion publique est de plus en plus forte ?

L’incident : entre symbolique et reddition de comptes

La scène où apparaît le wali révoqué sacrifiant l’offrande de l’Aïd peut sembler ordinaire dans un contexte culturel local, mais sa symbolique a pris une dimension différente en raison d’appels officiels émanant de la plus haute autorité du pays, recommandant de ne pas sacrifier d’animaux cette année, par solidarité avec la situation critique du cheptel national à cause de la sécheresse et des conditions climatiques difficiles.

Ici, la scène n’est plus un simple acte individuel, mais un geste chargé d’une symbolique qui contredit les messages et instructions de l’État, et qui porte atteinte à la crédibilité de l’homme de pouvoir en tant que « modèle à suivre », et non en tant que simple citoyen.

Le ministère de l’Intérieur et une nouvelle approche de la reddition de comptes ?

Des sources informées confirment que la décision de révocation s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des mécanismes de contrôle administratif interne du ministère de l’Intérieur, incarnant le principe de la responsabilité avec reddition de comptes. C’est ce qu’a souligné le professeur Redouane Amimi, spécialiste du droit administratif, qualifiant cette décision de « message clair que personne n’est au-dessus des comptes à rendre », précisant que le Maroc connaît une dynamique institutionnelle croissante en matière d’éthique de la vie publique, illustrée par le rôle d’institutions telles que le Parquet général, la Haute Autorité pour la transparence, et le Médiateur du Royaume.

Mais s’agit-il d’une approche permanente ou d’un cas isolé ? Cette stricte surveillance s’étendra-t-elle à d’autres domaines plus sensibles, comme les marchés publics, la gestion des terres collectives, ou les projets régionaux ?

La dimension constitutionnelle et le contexte international

Depuis la Constitution de 2011, le principe de responsabilité avec reddition de comptes est devenu un principe constitutionnel. Toutefois, il n’a pas toujours été, aux yeux de beaucoup, suffisamment appliqué dans la pratique. Des incidents comme celui-ci testent la volonté de l’exécutif de passer de la « sélectivité » à la « rigueur institutionnelle ».

Les évolutions internationales exercent aussi une pression dans ce sens. Le Maroc se prépare à accueillir de grands événements internationaux (la Coupe d’Afrique des Nations 2025, la Coupe du Monde 2030), des échéances qui nécessitent une discipline institutionnelle stricte, des garanties de bonne gestion, et des modèles de gouvernance locale responsable. Par ailleurs, la question du Sahara impose de consolider un modèle avancé de régionalisation, où le wali et le gouverneur sont des instruments pour renforcer la confiance dans l’État, et non des sources de controverses ou de conflits symboliques.

Au cœur de la question : quel modèle voulons-nous pour nos hommes du pouvoir ?

La dernière décision ne doit pas être vue uniquement comme une « réaction » à un comportement individuel, mais comme une ouverture à un débat profond sur les normes éthiques et professionnelles qui doivent gouverner le travail des hommes du pouvoir à l’ère actuelle.

Le wali ou le gouverneur n’est plus seulement un exécutant d’ordres centraux, mais un acteur influent du développement régional, un interlocuteur des investisseurs, et un sujet de contrôle par les médias et l’opinion publique. Cela exige une personnalité administrative qui allie compétence et conscience symbolique et politique dans son comportement et sa communication publique.

En résumé : un moment test pour la crédibilité du slogan « personne au-dessus de la loi »

Ce qui s’est passé à Marrakech n’est pas une simple révocation administrative, mais une étape test de la capacité de l’État marocain à transformer les slogans sur la reddition de comptes en pratiques institutionnelles durables, sans exception même pour les élites administratives supérieures.

Si cette logique est appliquée avec rigueur, soutenue par des textes clairs et des pratiques transparentes, nous pourrions vraiment être à l’aube d’une nouvelle ère dans la gestion du pouvoir, rompant avec le temps des « exceptions » pour entrer dans l’ère du « modèle administratif ».

Mais la question qui reste posée est : cette trajectoire sera-t-elle poursuivie par davantage de transparence et de rapports officiels clairs ? Ou bien cet incident sera-t-il clos, comme d’autres avant lui, dans les archives de l’administration ?

Articles connexes

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

- Advertisment -spot_imgspot_imgspot_imgspot_img

Les plus lus

Recent Comments