dimanche, juin 22, 2025
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Des océans en détresse à « l’Afrique bleue » : Le Maroc peut-il impulser une gouvernance maritime transfrontalière ?

Lors de la 3ᵉ Conférence des Nations unies sur les océans, organisée à Nice le 12 juin 2025, le Maroc a marqué sa présence à travers Leila Benali, ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, qui a coprésidé les travaux du Comité 8 aux côtés du secrétaire d’État italien à l’environnement et à la sécurité énergétique, Claudio Barbaro. Bien au-delà d’une intervention protocolaire, la déclaration de la ministre marocaine a mis en lumière les ambitions croissantes du Royaume en matière de diplomatie environnementale, mais aussi les tensions latentes d’un monde maritime en crise.

« Les océans lancent un SOS », a-t-elle déclaré. Un appel pressant, soutenu par des chiffres alarmants : chaque minute, 22 tonnes de plastique sont déversées dans les mers ; d’ici 2050, le poids du plastique pourrait dépasser celui des poissons dans les océans, selon les données de l’ONU. Mais au-delà du constat dramatique, une question stratégique se pose : les pays africains, à commencer par le Maroc, sont-ils prêts à faire émerger une véritable souveraineté bleue face aux déséquilibres mondiaux ?

L’océan n’a pas de frontières : vers une gouvernance maritime partagée ?

Le discours de Benali s’est articulé autour d’un constat simple mais puissant : aucun pays, aussi fort soit-il, ne peut préserver seul la santé des océans. Cette idée s’aligne avec les conclusions du rapport 2024 de la Banque mondiale sur l’économie bleue, qui estime que le secteur pourrait générer 40 millions d’emplois d’ici 2030 si les pays coopèrent activement et équitablement.

Mais dans l’espace africain, et plus particulièrement au Maghreb, la coopération maritime reste embryonnaire. La proposition marocaine de créer une « Alliance bleue africaine » apparaît donc comme une tentative ambitieuse de repositionnement stratégique, dans le sillage de l’Initiative Atlantique lancée par le roi Mohammed VI, visant à transformer le littoral atlantique du Maroc en moteur de développement durable régional.

L’Afrique bleue : projet politique ou levier de croissance ?

La ministre a également évoqué la Déclaration de Tanger issue du sommet « Africa Blue », soulignant qu’elle consacrait un engagement continental vers une Afrique résiliente et unie autour de l’économie bleue. Mais là encore, la question persiste : peut-on vraiment construire un front africain cohérent dans un contexte où moins de 10 % des financements climatiques mondiaux parviennent au continent, selon le PNUE ?

Derrière l’appel à l’unité se cache donc un enjeu de pouvoir : comment faire entendre la voix africaine dans les négociations climatiques, notamment sur les fonds verts, les technologies propres et la gouvernance maritime inclusive ?

Connaissances, données et technologie : les points faibles de l’ambition bleue

Benali insiste sur l’urgence de transformer la connaissance en action. Mais selon le Conseil économique, social et environnemental du Maroc (CESE), les capacités techniques, les infrastructures de recherche et l’accès aux données maritimes restent limités, même au niveau national. Une ambition continentale ne pourra donc se réaliser sans coopérations triangulaires (Sud-Sud-Nord) ni sans un investissement massif dans les sciences de la mer, la formation des jeunes et l’innovation bleue.

Une géopolitique de la mer en mutation ?

La ministre appelle à une gouvernance fondée sur la solidarité, la transparence, la responsabilité mutuelle et la justice environnementale. Mais dans un monde marqué par une compétition accrue autour des ressources marines (zones de pêche, minerais sous-marins, routes maritimes), cette gouvernance reste-t-elle possible ? Peut-on parler de coopération sincère quand l’océan devient une nouvelle frontière des rivalités sino-américaines ou euro-africaines ?

De la déclaration à l’action : l’heure du test pour le Maroc

Le Maroc multiplie les plateformes, les sommets et les engagements. Mais une stratégie bleue ne se juge pas aux discours. Elle se mesure à la capacité de traduire les ambitions en projets concrets : aires marines protégées transfrontalières, partenariats de recherche, fonds bleus africains, infrastructures résilientes et inclusion des communautés côtières.

La conférence de Nice aura permis au Royaume de consolider sa stature diplomatique verte. Mais la véritable bataille commence maintenant : le Maroc peut-il devenir l’architecte d’une Afrique maritime souveraine et solidaire, ou sera-t-il rattrapé par les limites de ses propres moyens ?

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