vendredi, juin 6, 2025
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« Le ministre Miraoui : L’émigration des médecins n’est pas forcément négative ! »… Avons-nous perdu la capacité de retenir nos compétences ou cherchons-nous à justifier l’échec ?

Dans un contexte marqué par des tensions structurelles au sein du système de santé marocain, et un débat mondial croissant sur la mobilité des compétences médicales, le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation, Abdellatif Miraoui, a lancé un appel au Parlement en faveur d’une politique publique claire et encadrée pour gérer l’émigration des compétences médicales marocaines.

Mais faut-il vraiment voir dans cette émigration un simple fléau ? Ou est-ce plutôt une manifestation d’un nouveau rapport mondial aux talents, qui impose au Maroc de revoir sa stratégie de gestion des ressources humaines hautement qualifiées ?

Une déclaration paradoxale : entre ouverture et impuissance

Prenant la parole lors d’une journée d’étude organisée au sein de la Chambre des conseillers sur le thème « L’émigration des compétences médicales marocaines : diagnostic et perspectives », Miraoui a tenu un discours inattendu : « L’émigration des cerveaux n’est pas nécessairement négative », a-t-il affirmé, ajoutant qu’elle permet une ouverture sur les valeurs universelles, les civilisations, et facilite la comparaison des savoirs et des convictions. Elle offrirait également, selon lui, de meilleures opportunités de formation et de recherche scientifique.

Si cette vision semble empreinte d’optimisme, elle entre toutefois en contradiction flagrante avec les chiffres alarmants : plus de 7 000 médecins marocains exercent actuellement en France, selon les statistiques officielles françaises. Ce chiffre dépasse parfois le nombre de praticiens présents dans des régions rurales entières au Maroc. Dès lors, faut-il y voir un échec dans la gestion de nos compétences ? Ou une incapacité chronique à créer un environnement professionnel attractif et équitable ?

Manque d’incitations et environnement dissuasif

Le ministre a rappelé que les principales causes de cette émigration résident dans la rareté des opportunités professionnelles, la faiblesse des rémunérations, le manque d’attractivité des métiers de la santé, ainsi qu’un contexte socioéconomique et culturel peu motivant.

Ces observations rejoignent les conclusions du Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui, dans son rapport de 2022, pointait déjà « un déficit d’attractivité du secteur public de la santé » et l’absence de perspectives de carrière claires et motivantes.

Des solutions existent, mais sont-elles appliquées ?

Le doyen de la Faculté de médecine de Rabat, Pr. Ibrahim Lkhal, a proposé plusieurs pistes de réforme : améliorer l’attractivité du secteur public, revoir les durées contractuelles, accompagner les parcours professionnels des médecins, et surtout encadrer la mobilité internationale des compétences dans une logique de partenariat gagnant-gagnant.

Une approche qui rejoint les modèles de certains pays comme le Canada, qui gère intelligemment l’arrivée et la sortie des professionnels de santé à travers des conventions internationales tout en valorisant le retour au pays.

Mais dans le cas marocain, une question cruciale reste posée : l’État est-il prêt à faire de la fuite des cerveaux une opportunité stratégique, ou s’agit-il simplement d’une résignation face à un problème mal maîtrisé ?

Penser un nouveau modèle de gouvernance sanitaire

Abdessalam Lebbar, président du groupe parlementaire istiqlalien, a de son côté souligné que cette rencontre vise à créer un espace de réflexion scientifique et multidimensionnelle, alliant diagnostic chiffré et élaboration d’alternatives stratégiques inspirées des meilleures pratiques internationales, tout en respectant les spécificités marocaines.

Mais sans réforme structurelle, sans coordination réelle entre les ministères concernés, les universités, et les syndicats professionnels, toute stratégie restera lettre morte.

Conclusion : entre fuite et rebond, le Maroc à la croisée des chemins

L’émigration des compétences médicales marocaines n’est pas un phénomène isolé, mais le symptôme d’un malaise plus profond. Au lieu de la subir, le Maroc pourrait en faire un levier pour restructurer son système de santé, réhabiliter la place du médecin dans la société, et reconstruire la confiance. Cela nécessite toutefois une rupture avec les logiques de replâtrage, au profit d’une vision audacieuse et cohérente.

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