vendredi, juin 6, 2025
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Le Maroc entre-t-il réellement dans une ère de souveraineté environnementale ? Stratégie 2035 : entre ambition écologique et défis structurels

Lorsque Leila Benali, ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, annonce que le Maroc entre dans une ère de « souveraineté environnementale » grâce à la stratégie nationale de développement durable à l’horizon 2035, il ne s’agit pas seulement d’une déclaration institutionnelle : c’est un signal fort d’un tournant que le pays souhaite prendre.
Mais ce tournant est-il vraiment amorcé ? Et sur quelles fondations se bâtit-il ?

Une stratégie renouvelée, mais quel changement réel ?

La ministre évoque une refonte de la stratégie adoptée en 2017, qui aurait permis des avancées notables, telles que le renforcement de la coordination institutionnelle et la digitalisation du suivi. Pourtant, elle admet aussi les limites du dispositif : absence d’outils territoriaux de surveillance, indicateurs faibles ou peu mesurables, et inadéquation de certaines mesures avec les évolutions des politiques publiques.

Face à ces constats, une question cruciale s’impose : la nouvelle version de la stratégie intègre-t-elle vraiment les leçons du passé, ou s’agit-il d’un simple lifting administratif ?

Un projet de société multidimensionnel

La stratégie 2035 repose sur six domaines de transformation : valorisation des ressources environnementales, accès équitable aux services, transition vers une économie verte bas carbone, sécurité énergétique, hydrique et alimentaire, justice territoriale, et sauvegarde du patrimoine culturel.

Mais là encore, les ambitions affichées posent la question de la mise en œuvre : le Maroc dispose-t-il réellement des outils juridiques, institutionnels et humains pour coordonner ces chantiers complexes à l’échelle nationale et locale ?
Et surtout, comment assurer la cohérence entre ces objectifs et les intérêts économiques ou industriels parfois contradictoires ?

Gouvernance environnementale : vers une approche réellement participative ?

La ministre a mis en avant une large concertation ayant impliqué les régions, les secteurs publics et la société civile. Elle a également mentionné une gouvernance multi-niveaux avec des comités nationaux, sectoriels et régionaux. Mais cela suffit-il à garantir l’inclusion réelle des citoyens et des territoires ?

Comment s’assurer que cette gouvernance ne devienne pas un simple habillage institutionnel ?
Et quelle place sera accordée aux ONG, aux communautés locales, et aux jeunes dans la co-construction des solutions durables ?

Gestion des déchets : un progrès quantitatif, mais quelle qualité ?

Sur le plan de la gestion des déchets, la ministre a rappelé que le programme 2008–2022 a permis d’atteindre 96 % de collecte, la réhabilitation de 67 décharges et la réalisation de 53 plans directeurs. Un progrès indéniable.

Cependant, la transition annoncée vers une valorisation énergétique des déchets, notamment via des accords avec l’industrie cimentière, interpelle : Quelles sont les garanties environnementales de ces partenariats ?
Les populations riveraines ont-elles été consultées ?
Et surtout, le Maroc est-il prêt à adopter une logique d’économie circulaire sans tomber dans le piège de l’écoblanchiment industriel ?

Importations de déchets : nécessité économique ou zone grise ?

Le sujet sensible de l’importation de déchets à recycler est abordé par la ministre comme étant strictement encadré par la loi 28.00. Entre 2021 et 2025, 136 autorisations ont été délivrées, dont 111 pour les pneus usagés.
Mais cette filière reste opaque pour l’opinion publique :
S’agit-il d’un choix stratégique pour combler un déficit de matières premières recyclables ?
Ou d’un danger masqué pour la santé publique et les écosystèmes locaux ?

La souveraineté environnementale : un slogan ou une trajectoire réelle ?

Enfin, l’idée d’une souveraineté environnementale interpelle en profondeur : peut-on parler de souveraineté alors que le financement dépend encore des bailleurs internationaux, et que de nombreuses politiques territoriales manquent d’autonomie et de moyens ?

Cette stratégie sera-t-elle un modèle régional inspirant ou une nouvelle promesse difficile à concrétiser ?
Le Maroc parviendra-t-il à concilier transition écologique, justice sociale et croissance économique ?

À l’heure où les dérèglements climatiques s’accentuent, le Maroc est à un carrefour décisif : celui de transformer ses ambitions environnementales en actes concrets, mesurables et équitables pour toutes ses régions et générations futures.

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