vendredi, juin 6, 2025
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Importer des « matières valorisables » ou importer des risques ?

Analyse approfondie de la stratégie environnementale du Maroc à travers la porte des déchets européens

Alors que de nombreux pays ferment leurs frontières aux déchets étrangers, le Maroc semble faire le choix inverse, en ouvrant les siennes à ce que le gouvernement appelle des « matières valorisables », là où une partie de l’opinion publique y voit des « déchets importés ».
Ce débat a été ravivé par l’intervention de Leila Benali, ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, devant la Commission des infrastructures, de l’énergie et de l’environnement. Elle y a révélé que, entre 2021 et 2025, le Maroc avait délivré 136 autorisations d’importation de déchets non dangereux, dont 111 pour des pneus usagés, et les autres pour des matières telles que le plastique ou les textiles.

Entre valorisation énergétique et inquiétude écologique : qui y gagne ?

La ministre a mis en avant les avantages de ces importations : production d’énergie alternative, réduction des émissions, création d’emplois, et approvisionnement de l’industrie en matières premières.
Mais ces bénéfices écologiques et économiques justifient-ils les risques encourus ?
Sommes-nous face à une politique environnementale ambitieuse ou à une solution de facilité qui importe les problèmes des pays industrialisés sur le sol marocain ?

Leçons des expériences internationales : le Maroc est-il à l’écoute ?

Des pays européens comme l’Allemagne ou la France renforcent depuis des années les restrictions sur l’exportation de leurs déchets, sous la pression de leurs sociétés civiles et de normes environnementales strictes.
À l’inverse, des pays comme la Turquie, la Tunisie ou l’Égypte ont accueilli des volumes massifs de déchets européens au cours de la dernière décennie, avec à la clé des scandales sanitaires et environnementaux.
Le Maroc va-t-il répéter ces erreurs, ou bien saura-t-il en tirer les leçons ?

Économie circulaire ou cercle vicieux ?

La ministre s’est appuyée sur une étude réalisée en 2020 avec le soutien de l’alliance COVAD (Coalition pour la valorisation des déchets), qui prévoit la création de 60 000 emplois d’ici 2030, ainsi qu’une réduction de 20 dollars par tonne sur la facture énergétique nationale.
Mais les échecs passés dans la gestion des déchets au Maroc – dans plusieurs villes notamment – montrent que les chiffres seuls ne garantissent pas la réussite des politiques publiques.
La transparence, la gouvernance et la mise en œuvre restent les défis majeurs.

Contrôle et gouvernance : maillons faibles de la chaîne ?

Malgré les assurances données quant à la rigueur des procédures réglementaires, fondées sur la loi 28.00, une question clé subsiste :
Qui contrôle effectivement la qualité des importations ? Et comment s’assurer qu’elles ne contiennent pas de substances toxiques ?
Les scandales internationaux ont souvent révélé que sous l’étiquette “déchets non dangereux” se cachaient des matériaux contaminés par des métaux lourds ou des polluants cancérigènes.

Entre légalité et réalité : quelle place pour la société civile ?

Les documents techniques exigés, les analyses chimiques, les contrats certifiés et les autorisations administratives semblent constituer un cadre robuste sur le papier.
Mais dans les faits, l’absence de participation citoyenne et de vigilance de la société civile affaiblit tout l’édifice.
Surtout lorsque les centres de traitement sont installés à proximité de zones résidentielles ou agricoles.

La souveraineté environnementale à l’épreuve du climat

Le gouvernement défend ces importations comme une « opportunité économique et de développement ».
Mais renforcent-elles réellement la souveraineté énergétique et environnementale du Maroc, ou ne font-elles qu’approfondir sa dépendance aux déchets européens ?
Dans le cadre des engagements climatiques pris par le Maroc – notamment l’Accord de Paris et les Objectifs de Développement Durable à l’horizon 2030 – cette orientation soulève de vraies contradictions.

Conclusion ouverte : entre réalisme et ambition

L’exposé de Leila Benali montre une volonté claire de transformer les défis environnementaux en opportunités économiques.

Mais cette ambition n’a de sens que si elle repose sur trois piliers :

  • Une gouvernance rigoureuse, libre de toute pression économique immédiate,

  • **Une transpar

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