jeudi, juin 5, 2025
AccueilActualitésOujda : vers un nouveau modèle de justice environnementale ?

Oujda : vers un nouveau modèle de justice environnementale ?

Le projet de Sidi Maafa entre ambitions durables et enjeux de gouvernance territoriale

Dans une initiative à forte charge symbolique et stratégique, Leila Benali, ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, a présidé, jeudi 29 mai 2025 à Oujda, la signature d’un accord de partenariat pour l’aménagement écologique et récréatif de la forêt urbaine de Sidi Maafa. Ce projet mobilise une coalition institutionnelle incluant notamment le ministère de l’Intérieur, l’Agence des Eaux et Forêts, le Conseil de la région de l’Oriental, ainsi que les communes d’Oujda et d’Ahl Angad.

Mais ce programme dépasse-t-il réellement le cadre d’un simple projet d’aménagement environnemental ? Sommes-nous face à une nouvelle approche de justice spatiale et écologique, ou s’agit-il d’un exercice de communication institutionnelle face à la pression climatique croissante et aux attentes internationales en matière de durabilité ?

Au croisement des politiques publiques et de l’écologie

L’accord, doté d’un budget total de 87 millions de dirhams sur trois ans, prévoit non seulement la reforestation de plus de 1300 hectares, mais aussi la création d’espaces récréatifs et sportifs, ainsi que l’amélioration des infrastructures écologiques. Pourtant, la portée du projet questionne : la région de l’Oriental pourrait-elle devenir un laboratoire pour un nouveau modèle de développement écologique ? Ou restera-t-on dans une logique technocratique déconnectée des transformations sociales profondes que connaît ce territoire frontalier ?

Quelle gouvernance ? Quel impact territorial ?

Derrière la construction de petits barrages, de sentiers, de terrains de proximité et de canaux de drainage, se cachent des interrogations plus larges sur la gouvernance locale. Qui décide réellement ? Comment seront assurés le suivi et la durabilité du projet ? Quels mécanismes permettront une participation citoyenne active ?

Le projet sera réalisé sous la maîtrise d’ouvrage principale de l’Agence des Eaux et Forêts, en partenariat avec la région et la commune, et en coordination avec la société de développement local “Oujda Patrimoine”. Une commission locale présidée par le Wali de la région de l’Oriental sera chargée du suivi. Mais cette configuration institutionnelle, bien qu’ambitieuse, ne risque-t-elle pas de diluer les responsabilités et de compliquer la mise en œuvre ?

Un contexte international pesant

Ce projet ne peut être dissocié du contexte mondial actuel : le Maroc, signataire d’accords climatiques majeurs, est sous le regard de la communauté internationale. Cette initiative s’inscrit-elle alors dans une stratégie sincère de durabilité, ou constitue-t-elle une vitrine en amont d’échéances diplomatiques, comme l’organisation de la Coupe du Monde 2030 ou la COP africaine ?

D’après des rapports de la Banque mondiale et du Green Climate Fund, l’investissement dans les infrastructures vertes est une condition de résilience urbaine. Le projet Sidi Maafa s’inscrit-il dans cette logique à long terme, ou est-il condamné à rester un îlot vert isolé, sans stratégie globale de transformation urbaine et sociale ?

Et le citoyen dans tout cela ?

Bien que le discours officiel mette en avant l’intérêt des populations locales, peu de détails sont donnés sur leur implication réelle. Le projet prévoit-il des dispositifs de participation citoyenne ? Quelle place pour les associations, les écoles, les jeunes dans ce chantier de transition écologique ?

Vers un nouveau modèle de développement écologique ?

Le projet constitue indéniablement une avancée et s’intègre dans la stratégie “Forêts du Maroc 2020-2030”. Il pourrait renforcer le tissu écologique et social de la région de l’Oriental. Mais pour véritablement réussir, cette initiative devra s’accompagner d’un changement culturel profond, d’une éducation environnementale structurée, et d’un cadre institutionnel garantissant la transparence, l’équité territoriale et la pérennité des acquis.

Articles connexes

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

- Advertisment -spot_imgspot_imgspot_imgspot_img

Les plus lus

Recent Comments