Dans un contexte de hausse continue des prix, des chiffres alarmants surgissent quant aux profits scandaleux engrangés par le secteur des carburants au Maroc, lesquels ont dépassé cumulativement les 80 milliards de dirhams à la fin de 2024. C’est dans ce cadre que Hussein Yamani, secrétaire général du Syndicat national du pétrole et du gaz et président du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole (SAMIR), lève le voile sur les manipulations tarifaires et plaide pour l’annulation de la décision de libéralisation des prix prise par le gouvernement Benkirane à la fin de 2015.
Quels sont les vrais prix et comment sont-ils construits ?
Selon Yamani, les prix officiels pratiqués à la pompe ne reflètent nullement les coûts réels des carburants. Le prix du gasoil, par exemple, aurait pu ne pas dépasser 8,89 dirhams, et celui de l’essence 10,52 dirhams, s’il n’y avait pas eu la libéralisation. Ces montants sont calculés selon une formule fondée sur la moyenne des prix sur le marché international durant la première moitié du mois, à laquelle s’ajoutent les frais de transport, d’assurance, de stockage, les taxes sur la consommation intérieure et la TVA, ainsi que les marges des distributeurs.
Mais ces marges ont explosé : de 600 dirhams la tonne pour le gasoil et 700 pour l’essence, elles ont bondi à plus de 2000 dirhams pour le gasoil et plus de 3000 pour l’essence. Et pourtant, les carburants arrivent aux ports marocains à environ 5 dirhams le litre. L’écart avec le prix à la pompe est absorbé par les taxes — environ 3,5 dirhams pour le gasoil et 4,7 pour l’essence — et les profits colossaux des distributeurs.
Les grandes questions :
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Pourquoi la libéralisation n’a-t-elle pas profité au consommateur marocain ?
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Comment justifier que des multinationales s’enrichissent outrageusement alors que le pouvoir d’achat s’effondre ?
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Où sont passées les promesses d’orienter les subventions vers les secteurs sociaux ?
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Le gouvernement peut-il continuer à fermer les yeux sur une rente pétrolière privée et incontrôlée ?
Conséquences sociales et économiques alarmantes
La flambée des prix, selon Yamani, ne profite qu’aux opérateurs dominants du marché, pendant que la majorité des Marocains s’appauvrissent. Le discours politique sur la redirection des subventions de la caisse de compensation vers la santé ou l’éducation n’est pas crédible face à l’effondrement du service public dans ces secteurs.
Et surtout, comment justifier qu’on impose aux Marocains de payer des prix alignés sur le marché mondial, alors que le salaire minimum marocain représente à peine un cinquième de celui en Europe ?
Et la politique industrielle ? Et la SAMIR ?
Yamani ne se contente pas de critiquer la libéralisation. Il évoque également :
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Le gel stratégique de la raffinerie SAMIR, dont la relance pourrait offrir une souveraineté énergétique et un amortissement des chocs extérieurs.
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La nécessité de renforcer l’intervention de l’État, non seulement pour plafonner les prix mais aussi pour soutenir une véritable politique industrielle, incluant la production locale des besoins énergétiques.
Quelle voie pour l’avenir ?
Alors que les voix se multiplient pour une révision de la politique actuelle, une question clé se pose : le gouvernement Akhannouch va-t-il choisir l’intérêt du peuple ou persister dans une logique de dérégulation favorable aux lobbies ?
Conclusion
Dans un climat social sous tension et une économie vulnérable, les données exposées par Hussein Yamani constituent un signal d’alarme. L’heure est à la réorientation des priorités : renforcer la régulation publique, relancer la SAMIR, et restaurer une justice tarifaire. Reste à savoir : l’État aura-t-il le courage politique de choisir son peuple, ou continuera-t-il à favoriser les profits privés au détriment de l’intérêt général ?