Une lecture analytique du virage stratégique entre Rabat et Le Caire
Dans un monde en mutation rapide, marqué par les crises géopolitiques et les conflits asymétriques, le partenariat de défense entre le Maroc et l’Égypte s’impose comme un indicateur majeur d’un réalignement régional. Il ne s’agit plus simplement d’une coopération technique, mais d’une intégration stratégique à plusieurs dimensions, aux implications sécuritaires, politiques et économiques profondes.
Mais pourquoi ce rapprochement maintenant ? Et quels messages cherche-t-il à transmettre à ce moment précis ?
Un calendrier significatif, des messages clairs
La rencontre entre le ministre égyptien de la Production militaire, Mohamed Salah El-Din Mostafa, et l’ambassadeur du Maroc au Caire, Mohamed Aït Ali, intervient à un moment clé. Le soutien affirmé de l’Égypte à la souveraineté du Maroc sur le Sahara et son retrait des manœuvres militaires organisées par l’Algérie en protestation contre la participation du Polisario, ne sont pas anodins. Il s’agit d’un réalignement régional qui traduit une évolution stratégique plus large.
Une question s’impose ici : l’Égypte s’oriente-t-elle vers un alignement plus affirmé sur l’axe Rabat-Riyad, face à un contre-axe structuré autour d’Alger et Téhéran ?
De la coopération à la co-construction
Le partenariat maroco-égyptien dépasse aujourd’hui le simple échange de savoir-faire militaire. Il s’oriente vers la création de projets communs dans l’industrie de défense, visant à réduire la dépendance vis-à-vis des puissances étrangères. Une telle dynamique pourrait-elle annoncer l’émergence d’une base industrielle militaire arabe s’étendant de l’Afrique du Nord au Moyen-Orient ?
Cela soulève plusieurs interrogations :
-
Les deux pays disposent-ils des moyens financiers et politiques pour mener à bien une telle ambition ?
-
Leur coopération peut-elle résister à la pression des fournisseurs internationaux d’armements ?
Une coopération sécuritaire renforcée : vers une alliance de renseignement ?
Les défis sécuritaires transnationaux – du terrorisme à la criminalité organisée – incitent le Maroc et l’Égypte à renforcer leur coordination en matière de renseignement et de sécurité. Mais ce partenariat évoluera-t-il vers une véritable alliance stratégique incluant un partage d’informations à haut niveau ? Peut-on imaginer la création d’un centre de commandement arabe dirigé par des États comme l’Égypte et le Maroc ?
Une convergence multidimensionnelle
Ce rapprochement militaire ne peut être dissocié des dynamiques économiques en cours. Le lancement du Forum maroco-égyptien de l’investissement et du commerce traduit la volonté commune d’ancrer cette alliance dans une stratégie de développement plus large, incluant les domaines de l’énergie, des infrastructures et de la diplomatie multilatérale.
Dès lors, une question centrale se pose : sommes-nous à l’aube d’une alliance régionale globale ? Et le modèle maroco-égyptien est-il extensible à d’autres nations arabes ?
Une réponse régionale à un vide géopolitique
Face au désengagement progressif de certaines puissances occidentales du continent africain, et à l’irruption d’acteurs comme la Chine ou la Russie, le Maroc et l’Égypte semblent vouloir construire un modèle de coopération Sud-Sud autonome. Ce partenariat peut-il constituer une première pierre d’un nouvel ordre stratégique africain et arabe, moins dépendant des influences extérieures ?
Conclusion : Une dynamique à suivre
Le partenariat de défense maroco-égyptien prend désormais l’allure d’une vision à long terme, reposant sur la confiance mutuelle et des intérêts partagés. Mais son succès dépendra de plusieurs facteurs :
-
la stabilité politique dans les deux pays,
-
l’investissement réel dans les secteurs stratégiques,
-
et la capacité à entraîner d’autres pays arabes dans cette dynamique.
En définitive, la question reste ouverte : ce partenariat est-il le prélude d’un nouveau pôle arabe indépendant ou simplement une convergence ponctuelle face aux enjeux du moment ?
