Abdelilah Benkirane, l’actuel secrétaire général du Parti Justice et Développement (PJD) au Maroc, a exclu plusieurs figures clés du parti du Congrès national prévu les 26 et 27 avril 2025, selon des informations diffusées par les médias locaux. Cette exclusion survient dans un contexte tendu de désaccords internes entre plusieurs membres de premier plan du parti et la direction actuelle, sur fond de demandes de renouvellement de la direction et d’introduction de nouvelles figures capables de faire face aux défis politiques et aux changements.
Selon les mêmes sources, la liste des invités pour participer au Congrès ne comprend pas les anciens ministres Mustapha Ramid et Mohamed Naji Bouleif, ni Abdelkader Amara, nommé par le roi Mohammed VI à la tête du Conseil économique, social et environnemental, ni l’ex-ministre des Transports et de l’Equipement Aziz Rabbah. La décision a été justifiée par le secrétariat général du parti, arguant que ces personnalités n’avaient pas régularisé leur situation financière avec le parti. Cependant, cette décision met également en lumière le profond schisme et la fragmentation dont souffre le PJD depuis plusieurs mois, et confirme l’intensité des conflits internes entre les leaders du parti et son secrétaire général, qui est accusé par ses détracteurs d’autoritarisme et de prise de décisions unilatérales.
Les noms de ces exclus sont en effet considérés parmi les plus virulents critiques de Benkirane et ses opposants politiques, avec qui il entretient une relation hostile, tant publiquement que dans les coulisses. Il est donc probable que cette exclusion fasse partie d’un règlement de comptes personnel. Ramid, parmi les plus critiques de la gestion de Benkirane, a publiquement appelé lors des Congrès du PJD et dans des interviews aux médias locaux à l’élection d’une nouvelle direction, à la nécessité de confier la direction à des jeunes leaders, et à la révision des politiques du parti à la lumière des évolutions politiques du Maroc et du besoin urgent de renouveler le discours politique et religieux.
Des figures islamiques de premier plan, dont certaines ont quitté le parti en raison des positions de Benkirane, tandis que d’autres continuent de militer pour réorienter le PJD dans la bonne direction, estiment que le bruit suscité par Benkirane sert moins les intérêts du parti que ses intérêts personnels. Ils lui reprochent de maintenir une visibilité médiatique excessive à ses propres dépens, alimentant des polémiques sans véritable utilité, ce qui affaiblit plus le parti qu’il ne le renforce. Chaque fois qu’il suscite des controverses, cela rappelle au PJD ses échecs pendant une décennie à la tête de la coalition gouvernementale.
Le renouvellement de la direction et les noms proposés pour défier Benkirane ne sont plus un secret. Il s’agit des figures issues du groupe qui s’oppose à la continuité de la direction actuelle et demande un renouvellement capable de mener le PJD vers une gestion plus pragmatique des défis à venir.
Des déclarations antérieures de Ramid, une figure clé du PJD ayant une connaissance approfondie des arcanes politiques internes du parti, ont révélé l’existence d’une crise interne qui ne cesse de se creuser, avec des échanges houleux entre les hauts responsables du parti et de nombreux membres, y compris des élus locaux, des ministres et des parlementaires anciens, qui ont refusé de payer leurs cotisations au parti.
Ramid, ancien ministre dans les gouvernements de Benkirane et Saadeddine El Othmani, a déclaré dans une interview précédente que le PJD était « fini et qu’il s’était auto-détruit », soulignant qu’il s’était fragmenté en factions, partis et groupes de leadership. Il a précisé que « chacun veut imposer aux autres ce qu’il faut faire bien qu’il ne soit plus responsable du parti », attribuant cela en grande partie à un « excédent de leadership », pointant du doigt l’autoritarisme de Benkirane, qui imposait aux membres des décisions qui ne figuraient même pas à l’ordre du jour des réunions du secrétariat général du parti.
Il a également souligné l’ingérence de Benkirane dans les affaires de l’ex-secrétaire général Saadeddine El Othmani, précisant que ce dernier était « trop conciliant ». Benkirane a publiquement menacé les membres refusant de payer leurs cotisations en déclarant dans un dialecte local : « Celui qui ne paie pas sa cotisation à la fin de l’année n’est pas avec nous, c’est tout. » Il a révélé que parmi ceux qui refusaient de payer figuraient des anciens ministres et des parlementaires.
Il a qualifié cette situation de « honte » et a demandé à ceux qui ne payaient pas leurs cotisations de « avoir honte », soulignant que ces cotisations servaient à organiser des réunions et des rassemblements au sein du parti.
Il est également frappant de noter qu’avec l’intensification des attaques de Benkirane contre le gouvernement et les partis de la majorité, il semble essayer de détourner l’attention des crises internes du parti et de cacher son incapacité à résoudre des problèmes persistants, allant des difficultés financières à des rébellions internes et des départs de membres.
Le PJD semble se retrouver dans une position difficile sur les plans politique et financier, ce qui aura inévitablement un impact sur ses chances lors des prochaines élections. Le parti a échoué à mobiliser la rue contre le gouvernement à plusieurs reprises et son influence au sein de ses bases électorales se réduit progressivement.
Le nom des personnalités qui pourraient contester la direction de Benkirane reste flou, mais les figures comme Idriss Azami, président du Conseil national du PJD, et Abdullah Bouano, chef du groupe parlementaire PJD à la Chambre des représentants, sont souvent citées. Toutefois, il n’est pas encore clair lequel de ces dirigeants pourrait recevoir le soutien nécessaire pour écarter Benkirane.
Certains estiment que Benkirane réduit le parti à sa propre personne et à sa vision politique, exacerbant ainsi les difficultés du PJD et l’entraînant dans de multiples impasses alors qu’il aurait eu besoin d’un plus grand effort pour réorganiser la maison interne en vue des prochaines élections législatives.